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210 DE LA FOLIE. « sonné, plus sage ; le troisième enfin a été de joindre au « traitement physique le traitement moral. » Le premier, il classe ces étranges phénomènes de la vie morale ; el M. Flourens reconnaît qu'il l'a fait avec la péné- tration d'un philosophe. Il est vrai qu'à ce sujet Pinel prétend n'avoir pu le faire et le bien faire que parce qu'il avait « profondément « médité les écrits de Locke et de Condillac, et s'était rendu • « familière leur doctrine. » Quant à moi, j'ai peine à ad- mettre que ce soit auprès de ces deux fervents apôtres du sensualisme que Pinel ait été puiser son idée si généreuse et si élevée du traitement moral. Toutefois, puisqu'il l'affirme , c'est le cas de dire que chacun voit et lit à sa façon ; qu'en faisant de la philosophie on procède souvent, a contrario, h l'insu de soi-même; et qu'alors il peut arriver que de grosses erreurs réveillent ainsi indirectement dans l'esprit de grandes vérités. Un homme qui se connaissait assez en spiritualisme , celui que je citais en commençant, J. de Maislre, a dit de ces deux hommes que « le premier manquait de tête el l'autre de front. » En effet, Locke ne prétend-il pas, entre autres vi- laines erreurs, que la matière peut être douée par Dieu de la pensée, parce que Dieu peut tout (même sans doute faire un triangle sans trois angles) ! et tous les deux ensemble , dans leur burlesque définition de la liberté, dont ils font une puis- sance physique plutôt qu'une puissance morafe, — définition qui, soit dit en passant, a bien quelque trait à la question de la folie, — n'ont-ils pas donné la preuve qu'à tout le moins ils n'entendaient guère les choses de l'esprit et de la saine philosophie morale? Mais il ne s'agit point ici de Locke et autres faux-dieux philosophiques d'il y a soixante ans ; laissons-les dormir au plus profond du champ de la fausse science, et que cette terre, si vainement remuée par eux , leur soit légère !