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150 EXPOSITION DES AMIS DES ARTS. Flandrin met dans les plus petites choses, et avec quel senti- ment virgilien la nature apparaît dans ses moindres tableaux. Les deux petits paysages de cette année ne sont inférieurs en rien à ceux que nous avons admirés si souvent ; cette fois-ci encore, quelle ampleur, quelle distinction, quelle finesse, quel dessin dans ces arbres, ces rochers, et surtout dans ces petits bergers antiques qui se disputent le prix de la lutte sur cette herbe émaillée de fleurs. C'est du paysage en latin, aurait dit un plaisant 1 soit ; mais le latin est de Cicéron ou d'Horace assurément. Nous regrettons que M. Daubigny ne nous ait pas jugé dignes d'une œuvre capitale, dans le genre de ses Moissons du Salon dernier à Paris ; il nous a simple- ment envoyé une étude d'après nature, d'une mare au crépus- cule, entourée de maisons de paysans, informes et sans carac- tère ; il en résulte que les artistes seuls, ou à peu près, s'ar- rêtent pour admirer, dans la Vue prise à Optenos (Dauphiné), ce ciel d'un ton si fin, ces arbres si légers et si vrais d'aspect, bien qu'un peu maigres, et cette eau si transparente et si étudiée. Quant à la foule, à peine jette—t—elle en passant un regard dédaigneux sur un aussi triste tableau. M. Daubigny eût sans doute été plus heureux avec elle, et par conséquent mieux goûté, si, à la place d'une étude consciencieuse de la nature, comme il la voit et comme elle existe réellement, il nous eût donné un de ces paysages qu'exposent trop souvent des peintres que nous ne nommerons pas, avec leurs saules pleureurs jaunes, leurs sapins couleur d1artichaut, leurs eaux de sources savonneuses ou pétrifiées, et leurs lacs violacés et opaques. M. Corot est encore un homme incompris de la foule, mais qui n'en a pas moins de très-solides qualités. Il est vrai que si l'on regarde pour la première fois sa Vue prise à Volterra {Toscane), elle produit, avec ses premiers plans trop peu faits, une sensation désagréable ; on lui reproche alors de manquer à la fois de dessin el de couleur; mais si l'on se