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                           PÉLOPONÈSE.                          119
la vue de cette forftie bizarre qui se dessinait sur la teinte grisé
des roches, et se mouvaitlentement.Cependant, comptant sur l'a^-
gilité de ses jambes pour fuir le danger, ilfitdeux ou trois pas sur
la pointe des pieds pour voir ce que c'était. La tortue, de son côté,
surprise par la brusque arrivée du lièvre, retira précipitamment
sa tète et ses pattes dans sa carapace et se tint immobile ; puis ,
la curiosité l'emportant, elle avança tout doucement la tête an
dehors pour voir ce qui se passait. S'étant ainsi reconnus l'un et
l'autre , ils rirent tous deux de leur frayeur, et lièrent conver-
sation. Ils s'entretinrent ensemble de leur position dans ce
monde, y trouvant du bon et du mauvais, des avantagés et des
inconvénients. Le lièvre , aussi vain que craintif, affectait un
certain air de supériorité sur l'humble tortue, pauvre animal
dont l'intelligence ne dépassait guère les étroites limites du cer-
cle de terrain que ses faibles moyens lui permettaient de par-
courir , tandis que lui, toujours en course , voyait chaque jour
une terre nouvelle, et bravait des dangers sans cesse renaissants.
La tortue, bien que modeste, sentit alors se réveiller en elle le
sentiment de sa valeur personnelle; elle se piqua, et, pour
prouver au lièvre qu'elle était aussi habile que lui , paria
qu'il n'arriverait pas avant elle dans un champ situé précisé-
ment au bas du rocher à pic sur lequel ils se trouvaient. Le
lièvre ne soupçonne pas le piège ; trop sûr de gagner, il refuse
de s'engager ; la tortue insiste, le lièvre cède. Le signal est
donné ; le lièvre part rapide comme une flèche. La tortue, tou-
jours immobile et d'un air narquois , le considéra longtemps,
franchissant les arbustes qui loi barraient le passage , escala-
dant les rochers, faisant mille détours agiles pour ne pas rou-
ler dans un précipice ; elle admiçait l'élégance des mouvements
et la rapidité de la course de son adversaire. Quand elle jugea
qu'il était temps de se mettre en route, elle se transporta sans
hâte sur le bord du rocher, se renferma tout entière, en riant, dans
sa carapace, et tomba se laissant aller à l'action de sa, propre
pesanteur. Elle se trouva ainsi de longtemps la première au
 rendez-vous, saine et sauve grâce à la dureté de son< enve-
loppe. Tout à coup le lièvre débouche par un seHtier, hors