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 114                       PÉL'OPONÈSE.
   marqué par un de ceux qui étaient là (c'était le maître d'école
   du village), il vint à moi et me dit en souriant :
      —Que cela ne vous trouble point; elle craint un mauvais
   sort (Cxouxvîx ).
     — Quel mauvais sort, repris-je encore plus étonné ?
     — Cela tient à une croyance de notre pays que vous ignorez
  à ce que je vois. Nous avons des idées que vous appellerez peut-
  être superstitieuses, et dans lesquelles nous avons foi cepen-
  dant. Lorsqu'un homme voit un enfant pour la première fois ,
  sa présence suscite contre lui certains maléfices ; son regard lui
  est fatal ; les- éloges qu'il lui donne sont de funestes présages ;
  ils éveillent la jalousie et la méchanceté des génies malfaisants
  qui l'entourent ; c'est comme un signe qui le livre à leur
  mauvais vouloir. Car tout être jeune et beau est surveillé de
 près par de méchants esprits qui cherchent à le détruire, mais
  dont le pouvoir est enchaîné par la Providence ; ils retrouvent
  cependant la puissance d'agir lorsque certaines causes mysté-
 rieuses se manifestent. Nous avons heureusement des prati-
 ques traditionnelles qui chassent le maléfice ; ainsi, quand on
  voit un enfant et qu'on lui dit des paroles flatteuses, il suffit,
 pour conjurer le sort, de prononcer les mots suivants :
 fiTi €tx,o\>xv$Y\ç, c'est-à-dire toutes les louanges que je te donne
 sont sincères ; que tout sortilège se dissipe autour de toi.
     — Mais si par hasard, repris-je , on oublie de dire ces paroles,
 ou si, comme moi, l'on ignore qu'il faille les dire ?
    — Dans le cas, où l'enfant vient à tomber malade, les parents
cherchent partout celui à qui ils attribuent le mauvais œil, et
lé prient de venir bien vite et de cracher sur l'enfant avec l'in-
 tention de le guérir. C'est un remède auquel vous avez sûre-
ment peu de confiance ; mais nous croyons à sa vertu. Et
si cela ne vous contrarie pas trop, faites ce que je viens de vous
dire afin de nous tranquilliser tous.
    — Comment donc? lui répondis-je, je suis prêt à employer
tous les moyens et toutes les formules que vous voudrez pour
ramener sur cet enfant les plus heureuses influences, et obtenir
la réalisation des souhaits de prospérité que je fais pour lui.