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80                 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

comme pour voiler une tombe fraîchement ouverte. Écou-
tons-le :

                         CONSÉCRATION.


 Quand je pouvais encor vous voir et vous entendre,
 Quand, parmi vos travaux, ma mère, et vos douleurs,
 Mon cœur de fils pouvait à vos pieds se répandre,
 Et faire éclore en vous de la joie ou des pleurs ;
     Avant l'heure où, brisant le bonheur domestique,
     Dieu vous plaça plus haut que vos amours humains,
     Lorsque ma lèvre encor s'appuyait sur vos mains,
     Lorsque vous étiez là sur ce fauteuil antique ;
 Trop souvent de mon cœur j'ai retenu la voix ;
 Je vous ai trop peu dit, c'est là ma peine amère,
 Ces choses qu'un bon fils doit dire mille fois
 Pour payer, s'il se peut, les peines d'une mère.
 Pour l'amour filial, ah! que de jours perdus !
 Dans votre âme inquiète et si prompte aux alarmes,
 Combien un fils meilleur, par ses soins assidus,
 En sourires divins aurait changé de larmes !
 Ma mère ! avez-vous su comme je vous aimais ?
 Comme en vous j'ai vécu, comme, dès mon enfance,
 Envers le monde et Dieu vous fûtes ma défense ?
 Tel que je l'ai senti, je ne l'ai dit jamais.

 Mais votre âme lisait au dedans de moi-même ;
 Silencieux, absent, je vous restais uni ;
 Vous connaissiez mon cœur et vous m'avez béni,
 Et le mot de bon fils fut votre adieu suprême.

 Ah ! j'en avais besoin pour calmer le remord
 De tant de jours ôtés aux maternelles joies,
 Et perdus , loin de vous , le long des folles voies,
 Et qui m'accusaient tous à votre lit de mort !