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68 EXPOSITION DES AMIS DES ARTS. groupes, le dessin très-suffisant dans l'œuvre d'un coloriste, et principalement l'admirable couleur qui donne à chaque personnage une puissance de relief et de vie très-remarqua- ble. Nous croyons trouver dans une ravissante petite toile de M. Lehmann cet art d'intéresser tout d'abord et sans le charme de l'exécution, qualité qui nous paraît absente du tableau de M. Muller ; cette toile représente une jeune .femme endormie, em- portée au travers des airs par un groupe de figures qui l'enla- cent et lui font comme une couche moelleuse de leurs bras caressants ; cela est vague, indécis et fugitif comme un songe, et s'appelle le Rêve; mais, en l'agrandissant, quel admirable plafond on en ferait sortir pour une chambre à coucher de palais ! Il y a quelques années, nous eûmes à signaler le brillant dé- but d'un jeune peintre lyonnais, M. Comte, que ses travaux re- tiennent à Paris. Depuis , son talent s'est notablement élevé et agrandi ; aussi, son tableau, qui a pour sujet Jeanne d'Albret, achetant des gants empoisonnés chez René le parfumeur, est-il un des meilleurs et des plus remarqués à l'Exposition. Sans qu'il puisse encore être placé au rang des peintres de premier ordre, dans le genre qu'il a choisi, M. Comte en a fini dès à présent avec les tâtonnements et les hésitations qui trahissent l'écolier plein de bon vouloir sans doute, mais que son inexpérience inti- mide et fait en quelque sorte broncher à chaque pas. Aujourd'hui, sa manière de peindre nous parait'avoir plus de franchise dans la touche et plus de fermeté qu'autrefois ; sa petite scène est in- génieusement composée dans les conditions et le sentiment qui conviennent à ce genre de peinture, et quoique son tableau manque peut-être un peu d'air et de profondeur , grâce à l'ex- pression des figures, aux costumes et aux accessoires traités, on le voit assez, par une main scrupuleuse et habile , il donne bien une idée exacte et pittoresque de l'événement et de l'époque où il a eu lieu. Si M. Comte persiste dans la voie de travail et de progrès où il s'est engagé, il deviendra assurément un des bons peintres de genre que nous ayons. M. Morin, de Rouen, n'est pas sans analogie avec M. Baron.