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38 LES TOURISTES A ROME. tance de la ville. Si les nouveaux venus ont pris la roule de Florence , le ponte Molle esl le premier objet qui se présente à leurs yeux. La tête de ce pont est ornée de deux statues, déplorablement mauvaises , deMochi (né en 1580, mort en 1646) , et cette circonstance a plusieurs fois donné lieu a la charge suivante : Les anciens font remarquer aux nouveaux ces premiers chefs-d'œuvre et demandent leur avis ; ceux- ci , un peu étonnés, répondent qu'ils trouvent cesfigurespas- sablement détestables. Alors , on se récrie sur cette opinion formulée si sévèrement ; on provoque un examen plus at- tentif , et l'on apprend enfin à ces jugeurs téméraires qu'ils font la critique de Michel-Ange ou de tout autre artiste célèbre; on s'extasie sur une multitude de beautés que les pauvres jeunes gens n'ont pas été capables d'apercevoir, et que l'affirmation infaillible de leurs aînés fait briller d'un éclat inattendu ; bref, nos conscritsfinissentpar rougir de leur peu de connaissance en matière d'art, et partagent entièrement l'avis de leurs camarades. D'après cela , on comprendra combien de fausses notions sont rapportées de Rome par la foule des touristes qui, pour la plupart, arrivent dépourvus de tout bagage artistique ou lilléraire , sans aucune étude préparatoire , et avec la fatuité que la richesse donne ordinairement à toutes les médiocrités. On rient à Borne pour se distraire par le carnaval ou les fêtes de la Semaine Sainte , ces deux choses tant prônées par le servum pecus; on consacre une quinzaine de jours à visiter la ville et les environs , et , en fait de remarques , on tien* plutôt à la quantité qu'à la qualité. Pourvu qu'en rentrant chez soi on puisse dire : je suis allé à tel ou tel endroit, on est satisfait ; n'importe si c'est le corps ou l'esprit qu'on a soumis à celle locomotion. Les courses étant très-longues, on loue un équipage, à la journée; on fait prix avec un cicérone , qui s'engage à vous faire voir Rome en une ou deux semaines,