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420 Les glaciers, les torrents sont tes routes royales. Sur la pointe des rocs, ainsi que sur des dalles, Ton pied précipité se pose sans effroi. En trois pas, comme un Dieu, tu franchis ton empire Cet air si frais, si pur, que ta poitrine aspire Est moins libre que toi. Que légère est ta pose, et ta forme élancée, Quand sur un pic désert, prompt comme la pensée Te jetant d'un seul bond, tu t'arrêtes, surpris, Fixe, dressant l'oreille au vent de la tempête! De contours gracieux se dessine ta tête Noire sur le ciel gris. Puis tu bondis encor vers de plus hautes cîmes ! Tu te perds, faible atome entre deux grands abîmes ; En bas la terre sombre, en haut les vastes deux. Quand un ciel nébuleux pèse ici sur nos têtes, Pour toi l'astre du jour plane sur les tempêtes, Tranquille et radieux. Du haut de ton rocher, tu te ris des orages. Tu te baisses pour voir ondoyer les nuages Comme un noir océan sans rivage, sans fond ; Et quoique cette mer, au gré de chaque brise, Et se gonfle, et s'abaisse, et se pousse, et se brise, Quel silence profond !