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16 livres aux écoliers, aux gens du peuple on à des amateurs peu diffi- ciles. Il fallait bien qne le livre d'Horace passât par les échoppes de ces revendeurs pour arriver au dernier terme du destin que son auteur lui annonçait : aller dans les faubourgs servir aux écoles à faire épeler les petits enfants : Hoc quoque te manet, ut pucris elementa doeentem Occupet extremis tu vicis balba senectus (1). Sénèque nous apprend à quel degré de fureur la bibliomanie était portée chez les Romains de son époque. Avec la vivacité de sa verve déclamatoire, il nous dépeint des hommes riches, fastueux, souvent illettrés, réunissant à grands frais des milliers de volumes dont ils ne connaissaient pas les titres, puis, blasés surtout, bâillant d'ennui au milieu de ces richesses littéraires (2). Mais cette passion extra- vagante servait les intérêts desbibliopoles : et ils avaient soin de l'en- tretenir et d'en profiter. On conçoit, en effet, qu'un bon livre ou, ce qui pour eux revenait au même, un livre qui avait la vogue, de- vait attirer la foule et la richesse dans la boutique où il se vendait. C'est de pareils ouvrages qu'Horace disait : Hic meret œra liber Sosiis, etc. (S). D'ailleurs, le charlatanisme de certains libraires modernes n'était pas inconnu à Rome. On savait fort bien vanter sa marchandise, et garantir effrontément la correction d'exemplaires convaincus d'être fautifs (4). On savait surfaire ses prix ; et en les réduisant de la moitié, on avait encore un fort honnête bénéfice(5). Enfin, quand un ouvrage manquait de succès dans la capitale, on trouvait moyen de s'en défaire en faveur des provinces, et on l'expédiait aux extré- mités de l'Empire. Il semble qu'il faut entendre ainsi ce qu'Horace dit à son livre : Âiitfughs Uticam, aut vinctus mitteris Ilerdam (6). (1) Epist., I, 20, v. 17. (2) De tranquil. animi, 9. (3) De arte poet., v. 345. (4) Aul. Gell. : Noct Ml., V. 4. (5) Martial; Epigr., XIII, 3. (6) Epist. I, 20, v. 15.