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32 talents qu'elle prodigue à d'autres. L'absence des grands poètes a donc des causes indépendantes de l'organisation des indivi- dus. Ce sont ces causes que nous allons lâcher d'indiquer. Qu'est-ce qu'un poète ? Un homme qui conçoit le beau, c'est à -dire l'Etre; l'Être aussi complet qu'il peut apparaître sous des conditions données et sous des formes finies ; et qui le reproduit et le rend sensible à ses semblables par la parole. Or, à l'époque d'Ausone, on concevait très peu le beau, non que le sentiment en fût éteint dans le cœur de l'homme. L'homme est le même dans tous les siècles -, il n'a jamais ni un membre de plus ni un sentiment de moins. Mais ce senti- ment s'était assoupi faute d'exercice ; il trouvait rarement de quoi se développer dans toute son énergie-, à plus forte rai- son était-il impuissant à créer. Il est quatre ordres de faits qui font naître ordinairement dans l'esprit l'idée du beau, et qui, par conséquent, fournissent des inspirations aux poètes : 1° Dieu, la cause infinie; 2° La nature, son éternel effet ; 3° L'homme, cause bornée; 4° Les actions et les institutions humaines , effet mobile comme sa cause. Nous allons voir comment ces sources étaient taries pour la plupart à l'époque qui nous occupe. V. SENTIMENT RELIGIEUX DEVENU STËBILE. Les idées religieuses ne pouvaient avoir alors aucune in- fluence sur la poésie. L'Olympe était depuis longtemps désert; même sous le règne de "Virgile et d'Horace, Jupiter avait grand besoin d'être citoyen pour continuer à être dieu, et d'appuyer son chancelant autel sur le roc inébranlable du Capitole. Mais,