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sortent paraissent tout étonnées de leur liberté. Elles vont
vite ; elles marchent comme si elles venaient de s'enfuir et
semblent n'oser regarder ni d'un côté ni de l'autre, de peur
 de froisser leur toilette. Elles ont toujours l'air endimanché.
 Peu habituées à ce qu'elles portent d'élégant ou de beau,
 elles n'ont rien de la grâce ni de la gentillesse de la grisette ;
 elles n'ont rien, non plus, de cette démarche calme et aisée
 qui fait, qu'une femme comme il faut paraît partout sûre
 d'obtenir les égards qu'elle mérite , et presque partout,
 chez elle, même dans la rue : Incessu patuit dea, dit le poète.
 Mais ailleurs on sait la politesse, on ne la sait pas a Saint-
Étienne. Les hommes marchent en maîtres sur les trottoirs
 et laisseraient, sans honte, patauger dans la crotte, les plus
jolis petits pieds du monde, bien élégants et bien chaussés.
Us enfonceraient plutôt jusqu'aux yeux leurs chapeaux que
 de saluer, et quand ils se croient obligés de le faire, ils les
touchent légèrement de la main et font un signe de tôle :
( sans doute, en hiver, pour éviter les rhumes ), puis, ils lan-
cent à toutes les figures qu'ils rencontrent d'énormes bouf-
fées de tabac. Ce n'est point chez eux, il faut le dire, inso-
lence ou mépris, c'est grossièreté.
   Il y a beaucoup de fortune à Saint-Etienne; cette fortune
est en quelque sorte cachée : rien ne l'indique, si non, l'ac-
croissement toujours plus grand de la population. Il n'est pas
a présumer en effet qu'une agglomération pareille se fasse
sur un seul point, si quelques avantages ne s'y trouvaient
pas. Or, ni les gens riches depuis longtemps pour jouir de
leurs richesses, ni les artistes pour développer leurs talents,
ni peintres pour leurs tableaux, ni poètes pour leurs rêves,
ne rencontreront rien a Sainf-Étienne. Il faut, là-bas, des
gens qui veulent du travail pour avoir de l'argent, et de l'ar-
gent pour avoir encore plus d'argent : tout ce qui a d'autres
désirs et d'autres pensées, tout ce qui ne vit pas de calcul ,