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232 furent trois fois battues et repoussées par les vents et les Anglais; il y perdit l'honneur et la fortune de l'Espagne. Après s'être défendue, Elisabeth attaqua à son tour ; D'Es- sex brûla Cadix, dévasta les côtes du Portugal et menaça Madrid : cet empire immense , qu'on appelait les Etats es- pagnols , était un grand corps dont Philippe brisa tous les ressorts; après lui, ce ne fut plus qu'un je ne sais quoi qui tombait en dissolution. La fin du XVIe siècle présente un spectacle curieux : d'un côté, une grande nation qui s'en va; de l'autre, un grand empire qui s'élève. L'Angleterre prend en main le sceptre de l'Océan, sa marine est forte et exercée ; elle commence à peser d'un grand poids dans la balance européenne, des ambassadeurs ou des rois de tous les pays viennent re- connaître sa grandeur et sa puissance ; pendant que Phi- lippe I I , maître des plus riches pays du monde, laisse mourir dans ses mains tant de germes de fortune et d'élé- vation ; il a brisé les antiques Fueros de ses provinces ; il a mis ses soldats au service d'une religion qui n'a pas besoin du bras des hommes; son insatiable ambition a fait verser le plus pur sang espagnol, il a épuisé ses Etats par les impôts, les guerres, les persécutions ; il a étouffé la pensée, en augmentant encore les pouvoirs de l'Inquisition, la plus for- midable machine de compression intellectuelle qui soit sortie du cerveau des hommes, pour me servir de l'expression de M. Carné; il a imposé la stérilité à la terre en lui enlevant les bras qui l'eussent fécondée; il a ruiné l'industrie en s'a- charnant à la destruction d'une race malheureuse à laquelle l'Espagne avait dû tant de siècles de prospérité, il s'est dé- shonoré par une banqueroute infâme, il a tué enfin une na- tion pleine de santé et de vie...oh ! je ne crois pas Ferreras, quand il raconte que cet homme-là mourut calme. Ach. FRANÇOIS.