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Narbonne, quelquefois jusqu'à Rome(l), accompagnées d'une
humble et spirituelle préface. En retour arrivaient bientôt
les remercîments, les félicitations, les éloges ; et certes les
correspondants n'en étaient pas avares : on ne peut s'em-
pêcher de sourire des louanges qu'il se prêtaient. Néan-
moins, il y a quelque chose d'intéressant dans cette com-
munauté de vie littéraire^ dans cette modeste ambition d'hom-
mes studieux qui n'attendaient de leurs veilles qu'un peu
de renommée ; car les travaux littéraires étaient rarement un
moyen de parvenir à une position brillante : on n'avait pas
encore trouvé la pierre philosophale de la littérature, le
secret de faire sortir de deux plumes croisées la fortune et
l'indépendance (2).
    Quelques professeurs durent pourtant à leurs nobles élè-
ves, sinon à leurs ouvrages, les plus hautes distinctions.
Delphidius obtint une charge dans le palais impérial ; Exu-
père fut président d'Hispanie ; Ausone, devenu précepteur de
 Gratien, fut comte du palais, questeur et préfet du prétoire
enfin, l'an de Rome 1118, il parvint au consulat.
   Ausone tenait le premier rang parmi les gens de lettres
 de Burdigala, tant par ses talents que par sa position so-
ciale. Il possédait aux environs de Bordeaux et de Saintes
 plusieurs terres fort belles. Lucaniacus, une de ses mai-
sons de campagne, qu'on place généralement près de Saint-
Emilion, à quelque distance de Libourne, était le rendez-
vous de tous les beaux esprits de la province. C'est là qu'in-
vités par de gracieuses épitres, accouraient les poètes, les
grammairiens, les rhéteurs qui pouvaient s'échapper de leurs
chaires. On voyait arriver le savant Axius Paulus sur un
chariot chargé d'épodes, de tragédies, de plaidoyers clas-


  (t) Volitat per manustutis Mosella. Symm. cpist.
   (2) On connaît les armes de M. Scribe, deux plumes en sautoir, avec
deux barbarismes en exergue : Inde fortuna et libertas.