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116 d'aller chercher le nouveau rédacteur et de l'installer dans ses fonctions. « Je vis un jeune homme de 26 ans, d'une taille mé- diocre, mais avec l'organisation puissante particulière aux Francs-Comtois. Ses traits, sans être réguliers, indi- quaient un homme supérieur ; son teint basané trahissait l'influence du soleil des tropiques, une forêt de cheveux noirs et touffus ombragait sa tète aux vastes dimensions. Il parlait peu, et je ne sais quelle réserve diplomatique se mêlait à ses paroles. Un voile de mélancolie et même de tristesse l'enveloppait tout entier, sans nuire à cette exquise politesse que donne l'habitude de la haute so- ciété. « Nous l'entourâmes de soins, de prévenances et d'é- gards ; mais il n'en persista pas moins dans sa réserve mystérieuse. Jamais il ne proférait un mot sur ses voyages, sur les événements de sa vie, sur sa vaste érudition. Il fal- lait, pour ainsi dire, en agir avec lui comme Christophe Colomb avec ce monde nouveau où chaque pas amenait une découverte, signalait une conquête. Même dans les conversations intimes entre jeunes gens, où l'on pense tout haut, malgré l'espèce de franc-maçonnerie qui ré- sulte de la culture des lettres et de l'identité d'opinions politiques, il semblait se tenir sur la défensive, il nous aimait pourtant, il nous aimait de toute la puissance de ces caractères froids et contraints en apparence dont tous les sentiments sont profonds et réels, car ils ne s'évapo- rent point en de vaines et stériles démonstrations. » Tel était DeLoy en 1826, tel il fut jusqu'à sa dernière heure ; ce portrait est frappant de ressemblance. Nous le donnons ici, parce que De Loy n'a jamais été vu autre- ment. Le succès de VIndépendant ne put que s'accroître de sa coopération, et ce succès donna du retentissement â cette levée de boucliers qui fit encore accourir de mal- heureux proscrits sous cette tente hardiment dressée.