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  ment à toutes les grandes pensées que Virgile tenait des phi-
  losophes grecs, et par lesquelles il semble avoir annoncé le
  monde moderne.
    Enée est évidemment une personnification idéale d'Auguste.
  On reprochait à l'empereur son peu de courage ; on dirait
  que Virgile eut à cœur de montrer que cette qualité n'é-
 tait vraiment grande et vraiment utile que lorsqu'elle est unie
 à l'élévation de l'esprit et à la sérénité de l'ame. La piété
 filiale, le respect des dieux, le titre de fondateur de la puis-
 sance romaine, convenaient également au héros et à l'objet
 des fictions du poète. Mais Enée n'est pas seulement un sym-
 bole politique, c'est aussi un grand type philosophique. On a
 comparé ses sentiments aux doctrines morales de l'an-
 tiquité* Mais dans quel système de cette époque pourrait-on
 trouver l'union de la liberté qui fait les héros, avec l'obédien-
 ce qui fait les hommes pieux ? Il est inutile de chercher un
 caractère semblable à celui d'Enée parmi les sectateurs d'E-
 picure, qui en niant le concours des Dieux dans les choses
 terrestres y nie môme la liberté et livre l'homme comme un
jouet à toutes les impressions extérieures* Le trouvera-t-on
parmi les disciples de Zenon, qui entre le destin et le prin-
cipe personnel établit une lutte acharnée dans laquelle il
ne s'agit que d'orgueil et de fierté ? Il est hors de doute
que Virgile a voulu montrer dans Enée l'exemple de l'hom-
me éprouvé par le sort.

            Disce, puer, virtutera ex me famamque laborum,
            Fortunam ex aliis Çl)....

Mais, après avoir emprunté son type aux Stoïciens, em-
porté par ses pressentiments et par ceux de son époque, il a
dépassé le modèle qu'il s'était donné, et il est entré en plein

  (i) Mneis. lib. XXII.