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834 ment à toutes les grandes pensées que Virgile tenait des phi- losophes grecs, et par lesquelles il semble avoir annoncé le monde moderne. Enée est évidemment une personnification idéale d'Auguste. On reprochait à l'empereur son peu de courage ; on dirait que Virgile eut à cœur de montrer que cette qualité n'é- tait vraiment grande et vraiment utile que lorsqu'elle est unie à l'élévation de l'esprit et à la sérénité de l'ame. La piété filiale, le respect des dieux, le titre de fondateur de la puis- sance romaine, convenaient également au héros et à l'objet des fictions du poète. Mais Enée n'est pas seulement un sym- bole politique, c'est aussi un grand type philosophique. On a comparé ses sentiments aux doctrines morales de l'an- tiquité* Mais dans quel système de cette époque pourrait-on trouver l'union de la liberté qui fait les héros, avec l'obédien- ce qui fait les hommes pieux ? Il est inutile de chercher un caractère semblable à celui d'Enée parmi les sectateurs d'E- picure, qui en niant le concours des Dieux dans les choses terrestres y nie môme la liberté et livre l'homme comme un jouet à toutes les impressions extérieures* Le trouvera-t-on parmi les disciples de Zenon, qui entre le destin et le prin- cipe personnel établit une lutte acharnée dans laquelle il ne s'agit que d'orgueil et de fierté ? Il est hors de doute que Virgile a voulu montrer dans Enée l'exemple de l'hom- me éprouvé par le sort. Disce, puer, virtutera ex me famamque laborum, Fortunam ex aliis Çl).... Mais, après avoir emprunté son type aux Stoïciens, em- porté par ses pressentiments et par ceux de son époque, il a dépassé le modèle qu'il s'était donné, et il est entré en plein (i) Mneis. lib. XXII.