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292 3'ai interrogé le génie de Virgile sous les ombrages qui ont protégé son berceau; et je voudrais pouvoir révéler tous les secrets que Mantoue m'a appris. Lorsqu'on vient de Venise à Mantoue, on trouve, après avoir traversé Padoue, des pays d'une culture grossière, des campagnes sablonneuses où aucun village ne s'élève, où aucune route n'est frayée. Ce désert commence au pied des monts Euganéens, qui ont aussi abrité la retraite d'un grand poète, de Pétrarque, et qui, couverts de ruines et de ronces, ne cachent plus aujourd'hui que les vipères utilisées par la thériaque. Dès qu'on a vu le vert sommet de ces collines disparaître sous les chaudes vapeurs de l'Orient, on tombe dans des chemins impraticables ; les chevaux suent, l'essieu crie, les roues ont peine à avancer dans une terre sèche et mouvante; de toutes parts s'étend une vaste mer de glè- bes dures et soulevées, au dessus desquelles l'œil n'aperçoit que le soleil qui les brûle. Là , on peut prendre une juste image du labour pesant des peuples latins. Mais quand on a passé l'Àdige, à Legnano, la verdure renaît; au milieu de peupliers élégants, sous les berceaux des vieux saules, vous roulez sur une route facile, à travers un paysage gras et fer- tile. De grandes vaches traversent lentement les pâturages ; du sein des herbes épaisses, les oiseaux s'élancent au ciel et saluent cette heureuse contrée de leurs chants vifs et hardis ; l'eau baigne de ses ruisseaux le pied de toutes les plantes, et charge de ses perles leurs tiges les plus hautes ; tout révèle une nature humide et féconde; tout annonce l'approche du fleuve. l'roptcr aquam, lardis ingens ubi (lexibus errât Mincius, etlencrà prœlexil arundine ripas (1). Arrivé sur ses bords, vous êtes frappé d'un spectacle inattendu: (1) Géorgie, lib. III,