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Conservatoire; quand il donnait tout entier il produisait une
masse terrible de sons, quand il ne faisait jouer qu'une par-
tie de ses instruments, comme les basses dans le final de la
symphonie en ut mineur, il paraissait cependant maigre et
dégarni. On a dit que le mal des orchestres venait ordinai-
rement des amours-propres qui voulant s'y distinguer de la
foule, en troublent toute l'harmonie. Je serais tenté de faire
le reproche contraire à l'orchestre de Lyon; chacun n'y sen-
tait point assez son importance, ou s'y défiait peut-être trop
de ses forces. Mais il est permis de trembler devant l'ombre
sublime de Beethoven.
   On ne rend, en général, que ce qu'on a compris; et, comme
on est habitué à ne voir dans Beethoven qu'une espèce de
cyclope dont le marteau ébranle la terre et le ciel, il ne faut
pas s'étonner qu'on soit plus disposé à traduire son énergie
que sa grâce. L'orchestre lyonnais s'est trop conformé à ces
habitudes. Les nuances, les finesses, les détours subits, les
fuites rapides, les soupirs légers, les ombres entrevues, les
imperceptibles parfums qu'étaient-ils devenus? Je voyais
bien encore les grands pâtres danser; mais où étaient les
fleurs de la prairie écrasées sous leurs pas? au delà des li-
mites de ce qu'on peut entendre, où était ce je ne sais quoi
qu'on n'entend plus? On ne devrait jamais prendre un ar-
chet pour jouer Beethoven, sans avoir lu le Songe Sune nuit
d'été, ou la Tempête de Shakespeare.
   L'ouverture des Francs-Juges de Berlioz, et la Marche
triomphale de Ries ont été exécutés avec succès. Berlioz a
surtout vu dans Beethoven le Michel-Ange ; et il a reproduit
avec une rare franchise l'énergie de son modèle. Les instru-
ments à cuivre, qui ont ici plus d'audace que les instruments
à corde, ont trouvé dans son ouverture une belle occasion
d'éclipser leurs rivaux. Quant à la Marche de Ries, c'est un