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238 Conservatoire; quand il donnait tout entier il produisait une masse terrible de sons, quand il ne faisait jouer qu'une par- tie de ses instruments, comme les basses dans le final de la symphonie en ut mineur, il paraissait cependant maigre et dégarni. On a dit que le mal des orchestres venait ordinai- rement des amours-propres qui voulant s'y distinguer de la foule, en troublent toute l'harmonie. Je serais tenté de faire le reproche contraire à l'orchestre de Lyon; chacun n'y sen- tait point assez son importance, ou s'y défiait peut-être trop de ses forces. Mais il est permis de trembler devant l'ombre sublime de Beethoven. On ne rend, en général, que ce qu'on a compris; et, comme on est habitué à ne voir dans Beethoven qu'une espèce de cyclope dont le marteau ébranle la terre et le ciel, il ne faut pas s'étonner qu'on soit plus disposé à traduire son énergie que sa grâce. L'orchestre lyonnais s'est trop conformé à ces habitudes. Les nuances, les finesses, les détours subits, les fuites rapides, les soupirs légers, les ombres entrevues, les imperceptibles parfums qu'étaient-ils devenus? Je voyais bien encore les grands pâtres danser; mais où étaient les fleurs de la prairie écrasées sous leurs pas? au delà des li- mites de ce qu'on peut entendre, où était ce je ne sais quoi qu'on n'entend plus? On ne devrait jamais prendre un ar- chet pour jouer Beethoven, sans avoir lu le Songe Sune nuit d'été, ou la Tempête de Shakespeare. L'ouverture des Francs-Juges de Berlioz, et la Marche triomphale de Ries ont été exécutés avec succès. Berlioz a surtout vu dans Beethoven le Michel-Ange ; et il a reproduit avec une rare franchise l'énergie de son modèle. Les instru- ments à cuivre, qui ont ici plus d'audace que les instruments à corde, ont trouvé dans son ouverture une belle occasion d'éclipser leurs rivaux. Quant à la Marche de Ries, c'est un