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    Ainsi nous savons que dans les provinces , dans les villes un peii
considérables où la culture des lettres était en honneur, les livres
des écrivains de Rome étaient lus et appréciés ; que cela avait lieu
particulièrement dans quelques cités des Gaules ; et, si par rapport
à notre ville nous n'avons pas d'autre donnée positive que celle dont
nous sommes redevables à Pline lui-même, du moins , nous savons
d'ailleurs que les lettres y étaient cultivées d'une manière assez re-
marquable pour une ville adonnée au commerce, et nous devons
trouver tout simple qu'elle aussi connût les bonnes productions de la
littérature romaine. Or, il est peu vraisemblable que les amateurs de
livres pussent toujours s'adresser directement à la capitale pour se
les procurer, à une époque où les lettres et les marchandises n'avaient
pas ces occasions de transport faciles et régulières que leur a donné
depuis l'organisation perfectionnée des postes, des messageries et du
roulage. C'était donc naturellement aux bibliopoles de leurs pro-
vinces qu'ils devaient avoir recours le plus ordinairement, soit que
ceux-ci fissent venir leurs livres des boutiques de Rome, soit qu'ils
les fissent transcrire eux-mêmes par des librariik leurs ordres, ce
dont l'absence de garanties légales pour la propriété littéraire sem-
blait leur laisser la liberté. Riche, lettrée, point central du commerce
des Gaules, la ville de Lugdunum, plus que toute autre, dut jouir,
ce semble, d'un tel avantage; et, une fois encore, nous pouvons
à bon droit nous étonner nous-mêmes de la nouveauté de ce fait pour
l'écrivain distingué qui l'apprenait seulement de son ami Geminius.
   Sauf l'infériorité des villes de province par rapport à Rome, pour
tout ce qui tenait à l'élégance, à la recherche et au luxe , les bou-
tiques des bibliopoles, dans notre Gaule et h Lugdunum, ressem-
blaient beaucoup, sans doute, à celles de la capitale, sur lesquelles j'ai
recueilli ci-dessus les particularités que les écrivains anciens nous
ont fait connaître; et c'est à raison même de cette ressemblance pré-
sumée que j'ai cru pouvoir me livrer à ces recherches sans trop
m'écarter de mon sujet. Ainsi, Lyon eut sans doute aussi son Argi-
letum et sa Via Sigillaria, ses Atrectus el ses Tryphon , comme
il devait avoir un jour ses Dolet, ses Gryphe, ses Roville , ses
Cardon, etc.
   J'ai rapporté plus haut l'inscription do deux bibliopoles romains ;