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485 L'homme, c'était pour eux un concitoyen, un ennemi ou un esclave. — L'homme, c'est pour nous un frère, à quelque pays, à quelque temps, à quelque condition qu'il appartienne. Le monde, c'était pour eux un vaste théâtre, riche d'un luxe de décorations brillantes, mais peu ou point sym- boliques, riche de beautés, d'amusements et de tout ce qui peut enchanter les sens. — Le monde, c'est pour nous un temple grandiose avec sa voûte étoilée, ses flambeaux, son encens, ses harmonieux concerts 5 temple que Dieu s'est construit à lui-même, qu'il remplit de sa présence et dont l'homme a été constitué le prêtre.— Dieu, la vie, l'homme, le monde : quatre idées qui dominent toute l'ame humaine, déterminent le carac- tère de ses conceptions, de ses aspirations, et partant le caractère de l'art et de la littérature. Donc, entre le caractère de l'art antique et le carac- tère de l'art moderne, quand il se sera complètement dé- gagé de la corruption païenne et de la barbarie du nord, c'est-à -dire, complètement christianisé , même différence qu'entre les idées des anciens et nos idées sur Dieu, la vie, l'homme, le monde. Donc vouloir mesurer nos con- ceptions, nos sentiments, notre style, les formes de l'art moderne, aux. formes de l'art antique, c'est étendre le géant sur le lit de Procuste; c'est insulter au génie de notre temps ; c'est commettre un anachronisme mille fois plus ridicule que de courir par les rues avec le vêtement de Sophocle ou de Virgile. Donc les chefs-d'oeuvres de l'anti- quité ne peuvent être proposés purement et simplement à notre étude, à noire admiration ; mais ils doivent être, de toute nécessité, soumis par le professeur à la critique que nous avons définie.