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499 pu le dire du reste des nations ; dans le moyen-âge d'un peu- pie, c'est-à -dire, dans l'intervalle de son passage de la barbarie à la civilisation, dans cet état crépusculaire qui n'est plus la nuit, et qui n'est pas encore le jour, qu'on me trouve autre chose que des chroniques, que des écrits empreints d'une pieuse crédulité, que des compositions jaseuses dont l'éternel refrain sera Jupiter; l'Olympe, comme chez nous, c'était le ciel, les saints, Dieu ; ce n'est pas la poésie qui leur manque, elle coule de leurs plumes, elle inonde toutes leurs pages, il leur manquait une autre condition indispensable, sans laquelle l'histoire n'est pas possible, vous avez prononcé, la philoso- phie ; oh ! quand la philosophie aura proclamé ses grandes vérités, que sur les deux rivages de l'Archipel on se sera à l'envi précipité à la recherche de la sagesse, vous verrez Héro- dote écrire ses neuf muses, vous entendrez Thucydide raconter sa sublime épopée ; pourquoi cela ? Parce que l'histoire est le fruit de la maturité de l'homme, qu'elle estl'expression d'une société déjà avancée, qui a vécu de longues années, qui, sachant beaucoup, éprouve le besoin de faire l'inventaire de ses connaissances au profitdes générations qui la remplaceront, parce que dans cette route difficile où elle s'engage s'il lui faut sa poésie pour joncher de fleurs l'ari- dité du chemin, il lui faut la philosophie pour la guider dans les dédales des récils, et dans le dédale plus obscur encore du cœur humain, parceque, escortée de la poésie et de la phi- losophie, l'histoire ne sera plus ce récit puéril, fabuleux ou maigre, d'une érudition froide et inanimée, narration insipide, éphémérides décolorées de la vie du genre hu- main : non , l'histoire sera grande alors, elle sera « la prê- tresse inspirée dont la voix puissante déroulera aux nations les choses du passé et les leçons de l'avenir. » Ai-je besoin de rappeler que Dante et Pétrarque écrivaient avant Machiavel et Guichardin, Shakespeare et Bacon, avant Hume et Gibbon, Descaries avant Bossuet et Montesquieu; et pour nous rappro- cher de nous-mêmes, Messieurs, qu'après le siècle philosophe est venu le siècle historien?