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314 conviction que leur sujet a été mal choisi, et qu'une fois ce sujet adopté ils en ont tiré cependant tout le parti possible. Nous assistons à une insurrection moréote, accidentée de quelques situations que font naître l'amourde Lambro Canzoni, le Giaour, et de Léila, sa fiancée. La jeune grecque est au pou- voir d'un certain Hassan, le Gessler que vous connaissez. L'amour de sa belle fait songer le Giaour aux malheurs de sa patrie et il devient le libérateur de son pays , aidé de Riga, Je guerrier poète , personnage heureusement amené , bien conçu et q u i a été placé très-habilement au premier plan. Telle est la donnée du drame. Le premier devoir, la principale tâche d'un auteur de librelto est de fournir au musicien un canevas convenablement coupé , le plus dramatique possible , et surtout des vers élastiques , de ces vers que l'on puisse toujours sacrifier aux exigences d'une note. Le librettiste indique la p i è c e , c'est le musicien qui l'écrit, et nous sommes en cela du sentiment d'un critique cé- 1 èbre, lequel considère les bons vers dans un opéra comme un écueil pour le maestro. Depuis que la musique est devenue, dans un ouvrage lyrique , le point capital, ce qui n'est que ra- tionnel, Quinault et les poètes de son époque, Corneille même, seraient fort mal venus à écrire des opéras pour les Lully, les Rameau modernes. Tout le monde connaît le nouveau Don Juan tel qu'on le donne aujourd'hui à l'Académie royale de musique ; Don Juan, son valet et ses maîtresses , voire même le commandeur, ne s'expriment plus qu'en vers galamment t o u r n é s , trop bien faits sans aucun doute, témoin cette caba- lette, que Nourrit, ce pauvre Nourrit ! disait si bien ( o u i , il la disait plu tôt qu'il ne la chantait), cabalette remplie d'une si suave poésie que tout le monde applaudissait. Eh ! bien, croyez-vous qu'à tout cela Mozard ait beaucoup gagné ? Et voilà justement pourquoi nous considérons M. Scribe comme le maître du gen- re ; nul mieux que lui ne connaît les ressources et le propre du talent du compositeur qu'il doit servir; il lui indique les si- tuations et s'en repose sur lui du soin de les faire valoir, il lui fournit à pleines mains de petits vers , bien innocents , bien courts, bien élastiques, comme nous disions lout-à -1'heure, et au milieu desquels le maestro e s t a l'aise ; voilà le comble de l'art du librettiste, art qui consiste à s'effacer au profit d'un autre. Et ne croyez pas qu'il ne faille pour cet art que des qualités négatives , c'est un talent réel qu'il faut avoir, c'est une habileté de métier, qu'on n'acquiert pas à un premier début. Bref, c'est le rôle modeste, mais méritant de ces ac- compagnateurs qu'on remarque à peine au milieu des ap- plaudissements qui accueillent les chanteurs, dont ils font ressortir cependant les qualités elles défauts.