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Car cet auguste sol qu'avec respect on foule
       Peut contenir le genre humain.
Le présent... il n'est point dans cette ville sainte.
Interrogez les voix de son immense enceinte,
Chaque écho vous répond : AVENIR et TRÉPAS.
En ce siècle orgueilleux où tout type s'efface,
Où tout peuple, à grand bruit, se torture la face;
        Rome seule ne change pas.

Ah ! qui pourrait compter ou qui pourrait connaître
Tous les faits accomplis et tous les faits à naître,
En ce pays chargé de lustre et de malheurs?
Qui pourrait d'un coup d'oeil embrasser cette histoire,
Tous ces muets témoins de deuil ou de victoire,
        D'allégresses et de douleurs?

Qui verrait sans extase une aurore embrasée
D'une couronne d'or ceindre le Colysée ;
Ou la lune dormir sur ce morne débris;
Ou le ciel embaumé de la douce Italie
Jouer comme un enfant sur sa tête embellie
        De tant d'ineffables abris?

Et ces moines gardiens des antiques coutumes,
A travers la cité promenant ces costumes
Où sous d'amples contours s'enveloppent leur corps ;
Et le seuil rayonnant des temples catholiques,
Et cette herbe qui croît autour des basiliques
        Exhalant de tristes accords ?

Le souffle du Seigneur peut éteindre ma vie ;
Maintenant elle est vaste, elle est pleine et ravie ;
A Rome, elle a vécu vingt siècles dans vingt jours.
— Pèlerin, c'est assez... penche-toi sur ta lyre,
Et que tes derniers chants d'amour ou de délire
       Montent aux célestes séjours !
                                 Joseph BABD.