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S88 1res comme dans la société politique 11 n'en est point ainsi du siècle de Louis XIV, sans passé, né de lui même en appa- rence. Il s'est levé à l'improvisle dans la famille des siècles comme la coupole demi-chrétienne, demi-païenne de Saint- Pierre parmi les cathédrales du moyen-âge. Des formes que l'humanité a produites, orientales, grecques, romaines^ féo- dales, il a choisi librement celles dont il lui a plu de se rap- procher, il s'est donné les aïeux qu'il a voulus ; et, ordonnant, reniant, brisant, renouant ainsi à son gré le lien des généra- tions, le siècle de Louis XIV est devenu le premier acte des révolutions dans lesquelles la France devait engager le monde. Appelée à abolir le moyen-âge dans les lois et dans les mœurs, 3a France a commencé par l'abolir dans les formes de la poé- sie ; sa littérature a été, comme ses institutions civiles, un acte de choix et de libre arbitre, non de nécessité et de tradi- tion, et il n'est pas prouvé que Y Art poétique de Boileau n'ait été dans un temps ce que la déclaration des droits de la cons- tituante a été dans un autre. » IN'ayons donc pour le siècle de Louis XIV ni d'aveugles ado- rations, ni d'impuissants blasphèmes, respeclons-le sans l'imi- ter; il a fait son œuvre, faisons la nôtre. M. Quinet fournit encore une réponse à ces intelligences étroites qui veulent réduire le poète au rôle d'apôtre servile d'un dogme ou de prédicateur d'une théorie. Oui, la poésie doit être religieuse et sociale, mais elle l'est par cela seul qu'elle est la poésie ; elle Testa la seule condition d'être belle; de réaliser, selon ses forces, un peu de l'éternel idéal; de dé- chireraux yeux des hommes quelques-uns des voiles de l'infini. Il est chez nous des esprits qui ne conçoivent l'art que comme instrument de domination politique ou sacerdotale : nous sa- vons tel fauteur de la réaction religieuse qui anathémalise sé- rieusement Raphaël, Titien et Michel Ange, au nomdeGiollo etd'Orcagna ; d'autres qui n'ont jamais compris que le poète eut mieux à faire qu'à rimer avec élégance la Déclaration des Droits de l'Homme, ou la Théorie des Quatre mouvements;