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 Parmi les écrivains de génie notre dix-huitième siècle qui a r e -
 mué le monde ne compte pas un poète. La poésie chez nous
 est née d'hier, mais elle a dignement inauguré son berceau.
 Nous avons tant vu et tant fait degrandes choses que notre ima-
 gination jusqu'ici étouffée par la froide logique s'est réveillée
 enfin. La réputation de têtes légères et de cœurs froids que
 les Français avaient à l'étranger et notamment au delà du Rhin
commence à se modifier sensiblement. Nous avons été frap"
 pé d'une parole échappée devant nous au poète le plus spiri-
 tuel de la jeune Allemagne (1), juge bien désintéresse du
 mérite de nos poètes actuels ; nous la citons pour rassurer un
 peu ceux qui gémissent sur la prétendue pauvreté de la litté,
rature de notre temps. « Décidément^ dit-il, rien n'est impos-
 sible aux Français, j'ai bien toujours pensé qu'ils étaient ca-
pables de tout faire, excepté d'être poètes; voilà qu'ils le de-
viennent. «
    Dans les dernières années, le siècle de Louis XIV a été le
grand champ de bataille de notre polémique littéraire ; « les
uns y voient une idole qu'il faut adorer, les autres une momie
qu'il faut ensevelir. » M. Quinet, qui caractérise ainsi cette
double erreur, voit avec raison dans le problème liltérairela
question politique qui est au fond de la société française. Fal-
lait-il continuer dans le monde de l'art et dans le monde social
l'œuvre ébauchée du moyen âge ? Le retour à la tradition
était-il possible ? Le siècle de Louis XIV a brisé cette tradi-
tion, c'est pour cela que dans l'art il a rejeté presque en entier
le passé national pour se plier aux formes de l'antiquité.
    « Que serait-ce, au contraire, si de cet oubli de la tradition
était née en partie la puissance sociale du siècle de Louis XIV,
et si c'était là le point par où le génie de ce siècle s'accorde
le mieux avec le génie permanent de la France moderne:'
Or c'est ce qu'on ne saurait nier. Dans le reste de l'Europe
la tradition des formes ilu moyen-Age a persisté dans les let-

  (1) Henri Heine.