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avec ses dieux ; l'art ne fut pour elle qu'un amusement arbi-
traire et l'artiste une histrion. L'épopée héroïque de la cité
latine, c'est la loi des douze tables ; son poème réfléchi, c'est
le code Justinien. Le seul legs intellectuel vraiment romain
que nous ait laissé ce peuple, c'est le travail de ces juris-
consultes.
    Quiconque a le sens de la vraie poésie est frappé de cette
 différence de la muse latine à la muse grecque. Aux pieds de
ces deux figures qui, vues de loin, ont le même extérieur mais
dont l'essence intime est si diverse, on éprouve la môme impres-
sion qu'en face d'une belle statue de marbre ionique et de sa co-
 pie modelée dans le gypse ou l'argile; les proportions s e n t i e s
mômes, la blancheur est pareille, les courbes ont une égale
harmonie, mais cette franchise et cette précision des traits, ce
quelque chose de transparent et de solide en qui la vie éclate,
celte teinte légèrement dorée répandue sur la déesse, comme
une auréole, p a r l e soleil allique, tout cela manque au calque
servile de l'ouvrier et resplendit dans l'œuvre naïve du poète.
   Nous nous associons de toute notre ame au vœu que forme
M. Quinet, pour q u e si la réaction tant prêchée en faveur des
modèles antiques doit avoir lieu, elle se fasse au profit de
l'antiquité grecque et non point de l'antiquité romaine. Celte
tendance est d'ailleurs celle de la jeune école à l'encontre de
nos écrivains classiques qui procédèrent toujours plutôt de
Rome que de la Grèce.
  La prépondérance de la muse latine s'explique facilement
par les affinités nombreuses du génie français avec le gé-
nie romain. Comme le peuple de César nous sommes faits
pour l'action.
            Tu vegere imperio populos, Romane, mémento
            H;e tibi erunt arles
   Nous avons été jusqu'ici une armée de soldats et d'orateurs,
mais point une nation de philosophes et de poètes. L'idée
qui nous en est donnée, nous la vulgarisons par l'éloquence
et la guerre, mais nous ne la réalisons pas dans la poésie.