Revue du Lyonnais » série 1 - n°9 ( 1839 ) » pp.294

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prédilection : les pauvres et leurs misères, des amis bien-ai-
més ; la liberté^ une idole; l'amour, une irrésistible passion.
Même destinée mystérieuse et incomprise, mêmes actions bi-
zarres, dont chacun cherche à pénétrer le secret, et dont plus
d'un méchant donne complaisamment le m o t ; même vie agi-
lée et orageuse, même mobilité d'affections et de pensées,
m ê m e cœur aux nobles et généreux replis que tant de gens
veulent fouiller et pénétrer avec une pensée étroite et mes-
quine , avec un sentiment envieux et mauvais, comme si la
pointe la plus acérée pouvait entamer le diamant.
   Peu d'écrivains ont eu la puissance de création de George
Sand. Aucun ne s'identifie aussi complètement avec son sujet,
ne s'enfonce aussi intimement dans les entrailles d'une Å“uvre.
Aussi les types qu'elle affectionne , longtemps caressés par son
génie, ont trop de grandeur pour être vrais; elle semble les
mouler sur sa propre énergie. Lélia, Trencmor^ L e o n e , Bé-
nédict, Spiridion sont plutôt des héros de poème que des
personnages de roman. J e ne sais si George S a n d , à l'imita-
tion de Chateaubriand, a voulu élever le romancier jusqu'au
rang de poète; mais toujours est-il qu'on ne trouve nulle part,
m ê m e chez les plus grands de ces derniers, les trésors de
poésie qu'elle répand dans ses œuvres. On aperçoit dans ce
qu'elle écrit comme la trace ineffaçable de la nécessité; l'ins-
piration seule tient la plume. Si George Sand se livre un ins-
tant au caprice de son imagination, celle-ci est tellement forte
et vigoureuse , qu'elle règne bientôt en souveraine ; la
raison elle-même s'efface et cède à son irrésistible influence.
Son s t y l e , tout à la fois souple et nerveux, se plie avec une
admirable facilité aux exigences de sa pensée. Loin de cher-
cher comme tant d'autres dans des tournures de phrases sin-
gulières , dans des inversions prétentieuses , dans une façon
particulière de s'exprimer, l'originalité, cet immortel cachet
du génie, George Sand la trouve parce qu'elle ne la cherche
pas.
   Suivant les bonnes traditions, ses pages seront elles-mêmes