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   Je vis toute une histoire dans ces quelques paroles. . . .
   Quant à l'événement qui conduisait ces hommes à la po-
tence, le voici :
   Un bâtiment faisait voile pour les Indes , les matelots mal-
traités par leurs chefs, comme cela arrive très souvent sur
mer , où le frein des lois n'est plus là pour contenir d'injustes
volontés , se soulèvent, et jettent par dessus le bord les cada-
vres sanglants de leurs officiers. Aux yeux de la société ces
hommes étaient des assassins ; mais peut-être quelques âmes
fières, indépendantes , et pénétrées du sentiment de la di-
gnité humaine comprendront cet acte de féroce vengeance.
Redoutant la justice dont ils avaient pris la place , ils mirent
le cape sur Rio Janeiro dans le dessein de vendre la cargai-
son , de s'en partager les bénéfices , et de se perdre au milieu
de cette ville, habitée par des gens de toutes nations.
   Mais à peine sont-ils arrivés au port que leur crime est
connu, et que l'autorité cherche le moyen de s'emparer d'eux ;
avertis à temps, ils lèvent l'ancre , et gagnent le large. Leur
signalement ayant été envoyé à tous les capitaines en croisière
dans ces parages , ils n'osèrent aborder Saint-Thomas , où ils
auraient trouvé un refuge.
   Repousses de la société, comme des forçats, ces hommes se
livrèrent alors au brigandage et à la piraterie.
   Au bout de huit mois , cependant, harassés de fatigue, et
entraînés par une force instinctive vers le sol de leur patrie ,
ils se hasardèrent à descendre sur les côtes du canton de Mas-
sachussetes. On les saisit ; traînés à Boston , ils furent jugés et
condamnés à mort.
   Voilà ce que nous apprîmes le jour de notre arrivée. .

   Le lendemain un soleil pâle et triste, tout à fait en harmo-
nie avec la scène qu'il allait éclairer , répandit ses lueurs bla-
fardes sur les eaux de la rade, dont on apercevait l'écume
contre des rescifs de coquillages.
   Les matelots parurent l'un après l'autre sur le pont, parés