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147 enfin ample matière aux causeries du gaillard d'avant. On se réunit le soir en cercle de conteurs, on fuma, on b u t , on boxa, et rien de ce qu'avait recueilli chacun des matelots ne resta ignoré pour ses camarades. Ferdio ! s'écria un Italien, p e t i t , mais vif comme un écureuil, le diable demain va bien rire ; treize bons poteaux sont plantés sur la g r è v e , et certes ce ne sont pas des lanternes que l'on veut y accrocher. — Mille dieux , s'écria un provençal, ce seront bien de vrais fanaux qui nous ap- prendront à nous autres à éviter cette plage d a m n é e , si ja- mais tu entends As-tu vu ces corsaires à travers les grilles de leur prison Plis jurent et boivent comme des païens. Ils fileront bien leur câble il faut aller leur dire adieu , demain , matelots !... Un pareil coup de vent peut nous arri- ver, et mille tonnerres! je serais mal à l'aise là haut si l'œil d'un camarade ne commandait pas la manœuvre. Qu'en dis-tu , Charles?—Celui à qui s'adressaient ces dernières paroles était le vrai type du forban. Sa figure était mâle et fière ; sa barbe étaitlongue, épaisse et noire ; un œil sombre, roulant des pen- sées de brigand, donnait le froid de la mort à ceux sur lesquels il s'arrêtait.On le craignait parce qu'on le savait h a r d i , et sa force corporelle ajoutait encore à son influence. O u i , dit-il, il faut se souvenir de ses amis à l'heure de leur mort. S'ils sont Américains, et nous Français , il y a du moins un langage qui nous est commun , c'est celui du pauvre contre le riche , de l'opprimé contre l'oppresseur. Demain , ajouta-t-il d'un air de c o m m a n d e m e n t , nous irons voir pendre des h o m m e s , et une étrange expression , comme serait celle de l'ironie mêlée à la rage se répandit sur ses traits. Il se leva , et passant à côté de moi en se retirant, ce ne sera pas la première fois , me dit-il, que j'aurai vu la corde serrer le cou d'un homme de cœur. — Un jour vous me direz cela ; Charles ? — O u i , me répondit-il, à vous je puis le con- fier—à vous qui comprendrez qu'un forban peut en aimer un autre. ( Il devint triste et rêveur ).