Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                      S7i
eonismes, les ignorances de toute espèce dont ils abondent. Rous-
seau ne dit p a s , comme Saurin , que tant d'inepties sont placées
là de dessein prémédité pour ne pas gêner la liberté du poète ,
afin de ne rien ôter à la justesse de son idée, à la force de son
expression ; il soutient, au contraire, que toutes ces inepties
sont bien franches , et qu'elles ne peuvent appartenir qu'à un ri-
mailleur sans connaissance de son métier; il fait Irès-bieu sentir
qu'il y aurait eu beaucoup de maladresse de sa p a r t , s'il eût voulu
se déguiser, à re venir sur le chapitre de l'abbé Maumenet, après
avoir avoué les cinq couplets composés dix ans auparavant, dans
l'un desquels il était aussi question de la pesanteur de l'abbé ; en-
fin , il prouve qu'une plus grande maladresse encore eût été ,
voulant se décharger de la responsabilité des nouveaux couplets,
d'en accuser un homme tel que Saurin , qui ne passait pas pour
poète , un homme plus soutenu , plus appuyé que tous les poètes
de profession qui fréquentaient le café _, parmi lesquels plu-
sieurs étaient ses ennemis plus déclarés peut-être que Saurin.
    Mais enfin, s'il est douteux que Saurin ait fait les couplets in-
criminés , s'il n'est pas vraisemblable que Rousseau en soit l'au-
t e u r , de quelle main sont-ils donc partis ? Le mystère e s t , il est
v r a i , fort difficile à éclaircir; cependant, nous pensons qu'il est
possible d'y porter quelque lumière.
    Il est constant que les ennemis de Rousseau voulaient lui fer-
mer les portes de l'Académie, et que Lamotte avait un intérêt
direct à cette exclusion, puisqu'elle lui donnait la certitude de
prétendre seul à la pension de Boileau. Lamotte n'était point un
homme aussi loyal, aussi bon qu'il affectait de le paraître ; il y
avait chez lui autant d'esprit d'intrigue qu'il y en avait dans son
ami Saurin : (1) on peut donc croire avec raison qu'eux seuls ont
été les chefs du complot tramé contre Rousseau. Ce complot n'a-
vait certainement pas pour b u t , comme les circonstances l'ont
décidé e n s u i t e , de faire bannir Rousseau du royaume.- il s'agis-


  (1) «Lamotte, dit Voltaire, avait beaucoup d'amis, c'est-à-dire , qu'il y avait
« beaucoup de gens qui se plaisaient dans sa société. Je l'ai vu mourir sans qu'il y
« eut personne auprès de son lit. L'abbé Trublet dit qu'il y avait du monde ; appa-,
« ramment il vint à d'autres heures que moi. » Malin vieillard !