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361 elle le traite de scélérat, de précurseur du Diable, devant engen- drer YJlntechrist. Il n'est pas besoin de grands efforts pour démontrer l'insigne fausseté des allégations du peintre-poêle. Rousseau était âgé d'en- viron dis-neuf ans q u a n d , en 1688 , M. de Bonrepos , chargé des affaires de France en Suède et en Danemark, le prit pour son secré- taire, et l'emmena avec lui. Peu de tems a p r è s , lorsque M. le maréchal de Tallard fut envoyé en ambassade à L o n d r e s , le jeune poète eut encore l'honneur de l'y accompagner. Dans tout cela, certes, il n'élait pas question d'éviter un père; il ne s'agissait, pour Rousseau, que d'emplois honorables auxquels son mérite naissant le faisait appeler, emplois q u i , selon toute apparence, n'ont jamais été offerts au cynique Autreau. L'aventure de Rousseau , dans Vhonnéle maison dont son père vient un jour pour chausser le maître, est encore, à ce qu*il parait, une malheureuse invention de l'auteur d e l à complainte. Ce trait d'ingratitude, si souvent reproché, repété par tant de gens, est raconté d'une manière bien différente par Saurin lui- m ê m e , lequel place la scène au Théâtre-Français, le jour de la première représentation du Flatteur. Il est aisé de conclure que de ces deux versions, il pourrait bien se faire qu'il n'y en eut pas une de vraie ; c a r , ce qu'il y a encore de certain , c'est que Rousseau ne changea de nom qu'une seule fois, et ce fut à l'époque du voyage qu'il fit à Paris, pendant son exil, où il prit le nom de Bicher. Cependant nous pencherions à croire que Rousseau, dans un tems où la naissance était un si grand titre de recommandation, aurait bien p u , par v a n i t é , cacher aux personnes qui ne le connaissaient point qu'il était le fils d'un artisan. Cette fausse honte se voit encore assez fréquem- ment aujourd'hui dans certaines personnes , malgré le progrès qu'ont fait les idées libérales ; mais il y a loin de ce tle fai- blesse d'esprit à la bassesse de renier hautement son père. Quant aux crapauds, aux serpens et aux vipères vomis par Rous- seau chez Francine et chez l'abbé Pic, il ne s'agit ici que de fi- gures de rhétorique : on peut les pardonner à la muse mordante d'un homme tel qu'Àutreau; mais il n'en est pas de même de ses