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    Racine écrivit en effet, le 29 nov. 1731. — « Lorsque M. Bros-
sette m'a communiqué, disait-il , quelques critiques que vous
avez faites sur quelques-uns de mes vers , mon premier mouve-
ment a été de défendre devant lui mes vers , par des raisons qui
me paraissaient bonnes. Le lendemain , j'ai pris un autre parti et
j'ai changé mes vers. Que ne suis-je à portée de vous Hre tout
l'ouvrage ! Quel profit je ferais d'un critique tel que vous!
    « La sincérité avec laquelle je vois que vous remarquez mes
fautes, doit me persuader que vous êtes également sincère, lors-
que vous louez le poème de la Grâce; et je suis surtout e n c h a n t é ,
lorsque l'éloge que vous en faites finit par me féliciter sur le di-
gne usage que je fais, dites-vous, de mes lalens. Je ne reçois pas
souvent de pareils complimens, et je ne puis , à cette occasion,
m'empêcher de vous raconter un compliment très-différent, que
me fit; il y a un a n , un archevêque. Je lui rendais une visite. Il
alla chercher dans sa bibliothèque le poème de la Grâce, et m'y
montrant plusieurs endroits crayonnés de sa main : « Ne croyez
« p a s , me d i t - i l , que ce soient les beaux eudroits que j'aie
« ainsi crayonnés, ce sont vos hérésies. (1) Voilà un ouvrage qui
 « fera votre condamnation au jour du jugement. » Je lui répondis
avec une sincère modestie, que s'il y avait dans mon poème , des
e r r e u r s , elles y étaient contre mon intention; que les fautes
d'ignorance étaient excusables ; et qu'à l'égard de la damnation
dont il me menaçait, j'espérais l'éviter en m'attachant toujours
à des sujets saints, et en renonçant à travailler pour le théâtre.
 « Eh! tant p i s , s'écria-t-il, j'aimerais bien mieux que vous fissiez
« des comédies. »
    « Cet ouvrage, qui m'a attiré des ennemis auxquels je ne devais
pas m'attendre , parce que je ne songeais jamais à offenser per-
sonne, m'a procuré la connaissance de M. l'ancien évoque de
Fréjus, qui parut m e vouloir faire du b i e n , et m'en a déjà fait,
puisqu'il faut appeler ainsi un emploi fatigant, qui m'arrache à
mes plus chères occupations.
     « Je puis vous assurer que

  (1) C'est ainsi, du moins, qu'il qualifiait les traces de jansénisme, qu'il avait
remarquées dans cet ouvrage.