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tièlle aux vers français , que la quantité aux vers grecs et latins.
Je ne sais si le mot de ménage ne vous paraîtpas aussi un peu fami-
lier, dans un style élevé comme celui de l'auteur. Il exprime bien
ce qu'il veut dire , mais peut-être ne l'exprime-t-il pas aussi noble-
ment que le reste est exprimé; car il faut convenir que tout y est
d'une élégance et d'une noblesse qui ne laisse rien à désirer. (1) »
   La lettre même de Rousseau dut flatter Racine, et le flatta, en
effet, comme nous allons le voir :
   « BROSSETTE A ROUSSEAU. L y o n , 28 novembre 1731. — J'ai remis
à M. Racine la lettre que vous m'avez adressée pour lui. Vous n e
sauriez croire ^ monsieur, combien il a été sensible aux marques
d'estime que vous lui donnez , et à l'approbation que vous don-
nez aussi, tant à son poème de la Grâce qu'à celui de lu Religion.
Il a grand regret de ne pas être à portée de vous consulter sur ce
dernier ouvrage ; car il vous regarde, non-seulement comme le
plus grand poète de notre t e m p s , mais encore comme un juge
très-exact et très-éclairé.
   « Le dernier mot de ce vers :
          L'ennemi Tient ; tous deux défendent leur ménage,
m'avait déjà paru indigne de trouver place dans un poème égale-
ment sublime et par le sujet, et par le style. M. Racine l'avait
senti tout le premier. Il justifie pourtant ce mot par le sens figuré
auquel il l'a employé. A l'égard des rimes de canaux avec rameaux?
et d'industrieux avec merveilleuv, il convient que les deux pre-
mières n e sont pas excellentes, quoique le son en soit absolu-
ment le même pour l'oreille, mais il a de la peine à se rendre
sur les deux dernières, dont le son est fort a p p r o c h a n t , s'il n'est
parfaitement conforme ; e t , pour confirmer son sentiment, il m'a
cité s u r - l e - c h a m p , deux vers de M. Racine , son p è r e , dans
Mithridate :
          Pharnace ira, s'il veut, se faire craindre ailleurs ;
          Mais vous ne savez pas encore tous vos malheurs,
dont la rime est encore moins exacte que celle de merveilleux et
industrieux. Au r e s t e , il doit vous écrire lui-même pour sa dé-
fense....» (2)
  (1) Lettres de Rousseau, etc., tom. III, pag. 195.
  (2) Lettres de Rousseau, tom. III, pag. 202.