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260 sur sa surface une triple couche de r u i n e s , traces authentiques de trois grandes révolutions humaines : le druidisme avec les Celtes, le paganisme avec les Romains, le christianisme avec les Francs. Là ce sont des blocs énormes auxquels les traditions du pays donnent une mystérieuse origine, et que de notre temps ils nomment encore les pierres des Fées. Il y a plus de deux mille ans , autour de ces autels d'une religieuse simplicité, les Druides rassemblaient les Celtes errans dans les forêts pour leur dicter de sages lois. C'est donc là que vient se rattacher le premier an- neau de la chaîne sociale. Ici ce sont des temples , des palais renversés, des idoles, des a r m e s , des colonnes brisées et mille reliques éparses de cet empire romain, dont le colosse en tom- bant couvrit la terre des lambeaux de son cadavre. Ce sont aussi les vestiges de ces voies romaines dont les longs sillons restent toujours empreints au front de ces montagnes, où elles portaient jadis la civilisation et l'esclavage, comme de profondes cicatrices du glaive des César. Enfin ce sont des manoirs féodaux dont les donjons abandonnés et les gothiques tourelles, ne servent plus de retraite qu'aux oiseaux de proie ; des églises, des chapelles encore d e b o u t , mais dont un culte plus p u r , dont une parole vraiment évangélique, chasseront tôt ou tard les superstitions ultramontaines, comme Jésus chassa les marchands du temple de Jérusalem. Alors l'imagination exaltée exhume sans ordre tous nos sou- venirs selon son fantasque caprice. Chacun des coins de ce tableau s'anime de son existence passée , chacune de ces ruines se pare de sa splendeur d'autrefois. Entendez-vous ces clameurs, là -bas, non loin de ce camp au- tour duquel fourmillent les soldats romains : c'est Ruessium, la cité des Yélauniens; le saint Paulien d'aujourd'hui, le misé- rable village a disparu. Y oyez le château d'Espaly sur le rocher qui domine ia vallée de ce n o m , dessiner mélancoliquement ses crénaux sur ce jour ménagé entre deux noires collines. Des pages, des chevaliers v o n t , viennent, s'empressent; les châte- laines des environs se hâtent d'accourir, et dans tout ce mou-