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53' serrer ic ventre avec une ceinture de cuir. Dans la saison du travail, c'étaient d'incroyables fatigues; il fallait soumettre lé corps à dés contorsions violentes, se couvrir de sueur et se priver de sommeil. L'ouvrier chargé du tissage: assis sur un escabeau élevé , devait lancer ses jambes à droite et à gauche pour donner aux fils de la chaîne les diverses positions qu'exigeait le brochage ou le façonnage de l'étoffe. Un ou plusieurs ouvrier* étaienl encore nécessaires pour mettre les cordes et les pédales en mouvement. On y employait généralement des enfaas et surtout de jeunes filles, appelées tireuses de-lacs.: Celles-ci ne pouvaient conduire le métier qu'en gardaflt, pendant des journées entières, des attitudes forcées qui déformaient la taille , arrêtaient la croissance , et souvent même abrégeaient la vie.. La sauté des enfans et la moralité des parons se perdaient tout à -la-fois dans ces épreuves d'une industrie arriérée. Tout est changé maintenant à Lyon, e t la condition des ouvriers comme les procédés de l'industrie. Le travail ne les fait pas toujours vivre , mais du'moins il ne les tue pas. Cette race do CRÉTINS est devenue une population virile. Dans les salles d'asile, dans les écoles, dans les ateliers, c'est une nuée d'enfans gais et joufflus,, avec les vives couleurs de leur âge; les hommes faits ne sont pas encore très-robustes, mais ils paraissent communément sains et dispos. Quand la foule des ouvriers va chômer le dimanche, dans les guinguettes des Brotteaux, il est facile de reconnaître les progrés de l'aisance et delà population. Insensiblement ils dépouillent cette mélancolie timide qui était le caractère de leur profession , et une sorte de hardiesse belliqueuse passe dans leur rang. Deux révoltes successives ne l'ont que trop prouvé. Cette révolution dans le sort desouvriers, encore mêlée de bien et de mal, mais qui leur ouvre de nouvelles voies, c'est au génie d'Un simple ouvrier que nous la devons. L'auteur de ce progrès, JOSÉ»H-MAWE J.VCQUAUD, naquit à Lyon,1e 7 juillet 1752.. Son père, Jean-Charles Jacquard, était maître ouvrier en étoffes d'or, d'argent et de soie; sa mère, Antoinette Rive, liseuse de dessins^ autre branche de la même industrie; son aïeul, Isaac-Charles Jacquard, était tailleur de pierres à Couzon. Cette humble généalogie vaut bien un titre de noblesse : elle montre d'où partit Jacquard pour s'éiever, sans autre secours que la persévérance de son caractère, au rang des bienfaiteurs de son pays. La vie de Jacquard fut pénible et agitée. Ses premières années s'étaient passées lans l'atelier d'un relieur de livres ; mais un secret pressentiment de sa destinée , qui le tourmentait déjà , empêchait qu'il ne se fixât dans ces régions inférieures, du travail. Contre l'usage des familles lyonnaises, ce jeune homme , fils d'un maître ouvrier, n'avait pas voulu prendre le métier de son père ; la profession de relieur né l'arrêta pas davantage. Plus tard , on le retrouve marié et dirigeant une petite fabrique de chapeaux de paille , dans une maison que sès.parens lui avaient laissée. Celle maison fut brûlée, dans le siégé de Lyon, en 17.95; et quand les