Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                   16
pour ruiner non des ponts seulement, mais des villes entières.
Toute la ville estait en peine comme l'on pourroit rompre
cette grande machine de glace qui s'estoit formée de plusieurs gla-
çons de la longueur de l'église de Nostre-Dame , de la grosseur et
espaisseur de quatorze à quinze pieds. Ils s'estoientarrestés devant
l'église de l'Observance, etarresloienttous ceux qui descendoient,
de manière que l'on craignoil que le moindre effort de sa fureur
n'emportâtle pont *, lequel, pour ce, fut chargé de grands quar-
tiers de pierre, de sépultures antiques et de pièces de fer, par
cette démonstration mathématique , que plus les voûtes sont
chargées plus elles sont fortes , et que peu de chose fait fendre
et éclater celles qui ne le sont pas. On faisoit des prières
publiques par la ville pour détourner ce grand malheur. Un
artisan entreprit de dissiper cette glace et la réduire en petites
pièces. Il n'y mit pas grande façon ; il n'y employa qu'une demi-
douzaine de fagots et un peu de charbon qu'il alluma en deux ou
trois feux sur le bord de la rivière, à l'opposite de ce grand rocher,
et ayant murmuré entre ses dents dix ou douze noms barbares,
cette grande machine éclata comme un coup de canon , et peu à
peu se rompit en pièces grosses comme tonneaux qui s'écoulè-
rent doucement sous le pont, avec tel ordre qu'on eust dit qu'elles
n'osoient approcher des piles. Quand ce nouveau thaumaturge
demanda récompense, le Consulat voulut savoir des théologiens
s'il lui estoit dû quelque chose : sa simplicité et la déclaration
qu'il fit de sa recepte le délivra de la peine des sorciers, mais
sa rcccptc fut biuslée en rHoslcl-de-Villc. On parla de cette affaire
si diversement en cette cour, que ce fui la raison qui me fit écrire
à un prélat +* que j'ai nommé ailleurs un second Hilairc de

   * Ce pont est évidemment celui du CHANGE, le seul qui existât alors à Lyon.
Ce n'est qu'en 1658 que l'on construisit le pont en bois de l'Archevêché. Jusqu'à
cette époque on passait la Saône sur des trailles ou bacs, et il paraît qu'il n'y en
avait que deux ; l'un entre Ainay et l'Archevêché ; l'autre devant l'église de l'Ob-
servance.
   ** Claude de Bellièvre , fds de Pompone, chancelier de France, mort ar-
chevêque de Lyon, le jeudi-saint 19 avril,, de l'année 1612. Il présida l'assem-
blée du clergé en 1606 Je présume que c'est à cette occasion que Matthieu aura
décoré Claude Bellièvre du titre de second Hilaire.