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aussi grande dans les préoccupations et les sollicitudes de chacun.
    On songe à ses affaires, à ses travaux , à ses plaisirs, et pourvu
que ce sentiment s'étende aux affaires et aux plaisirs de tous les
h o m m e s , il n'y a l à , qu'une noble et pacifique destination de la
puissance des hommes.
    Tel e s t , ce nous semble , le vrai caractère de la situation ac-
tuelle. Nous sommes au moment où les élémens actifs de la vie
sociale se produisent, se développent et s'organisent. Ce mouve-
ment est aujourd'hui en pleine activité. De toutes parts il n'est
bruit que d'améliorations matérielles, d'usines et de chemins de
fer, des colonies agricoles et des fermes modèles. C'est beau-
coup, sans d o u t e , mais ce n'est pas tout ; et ceux qui portent en
leur ame le sentiment de la dignité h u m a i n e , protestent au nom
des besoins moraux contre le culte exclusif de l'utile. Nous par-
tageons ces répugnances, mais nous n'attribuons pas aux seuls
droits politiques le don d'élever les cœurs, e t , si nous osons dire,
de les humaniser. Ce rôle est celui des arts et des lettres.
    Quand les forces intellectuelles auront pris cette direction, et
que la société se sera habituée à la parole quotidienne des hom-
mes de science et d'imagination, les débats politiques ne seront
pas abandonnés sans doute, mais ils deviendront plus féconds pour
t o u s , sans occuper une place si grande dans la vie de chacun. On
est depuis si long-temps habitué à considérer la littérature comme
un délassement fourni par quelques oisifs qui pensent et imagi-
nent à d'autres oisifs, qui tuent le temps à goûter le beau et à
honorer le génie, que nombre de gens se sont inquiétés de sa-
voir si la littérature pouvait suffire à n o u r r i r , chaque semaine,
nos immenses colonnes. Les mêmes personnes ne s'étonnent pas
 du tout, cependant, que la politique puisse alimenter, à Paris
seulement, plus de vingt publications quotidiennes.
    Oui, il y a place en Europe et sur tout le globe, pour une presse
littéraire, parce qu'en E u r o p e , comme sur tout le globe, la so-
 ciété littéraire et intellectuelle existe déjà ; et c'est par ce déve-
 loppement de ces pacifiques relations, que les peuples se rappro-
 cheront et arriveront à accorder leurs intérêts et leurs ambitions
 rivales.
    Aussi, de jour en jour, la presse tend-elle à se constituer d'elle-