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430 CHARLES BAUDELAIRE M. Maxime du Camp, dans une lettre qu'il a bien voulu nous écrire à ce sujet, dit la même chose : « Baudelaire était un fanfaron de vice. » On ne peut voir là qu'une de ces bizarreries par lesquelles il s'efforçait d'éveiller l'atten- tion ; une originalité voulue et cherchée pour se distinguer 4u profane vulgaire. Véritable infirmité, maladie à la fois morale et intellectuelle, prélude et cause en grande partie de la maladie physique où s'éteignit bientôt cette intel- ligence vigoureuse, de cette mort cruelle qui trancha préma- turément une vie si riche à son aurore en belles espérances. Le succès des Fleurs du Mal n'enrichit pas Baudelaire. Ces curiosités littéraires font beaucoup de bruit, mais rap- portent peu d'argent. Elles sont ardemment recherchées, mais par un public trop restreint. Il fallut écrire encore, produire sans relâche, se surmener, pour profiter de la popularité momentanément acquise. De là des excès de travail qui, s'ajoutant à tant d'autres, minèrent profon- dément une santé peu solide. Quelques-uns de ses amis disent que le désir de travailler plus paisiblement fut la seule raison qui lui fit quitter Paris, vers 1865, pour se retirer à Bruxelles. D'autres croient savoir qu'il fuyait des créanciers impatients, séduit en outre par les offres d'un libraire qu'alléchait le scandale des Fleurs du Mal. Quoi qu'il en soit, le séjour de la Belgique ne lui fut pas favorable ; il n'y trouva pas les avantages espérés, et en revanche beaucoup de désagréments. Les lieux, les hommes, les mœurs, les habitudes, la nourriture même, tout lui déplaisait. Il conçut même le plan d'un livre où il comptait épancher ses griefs contre le pays et ses habitants. On voit à quelques titres de chapitres qui ont été conservés que c'aurait été une virulente satire. Mais il eut à peine le temps de l'ébaucher.