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I90                  M. DÉSIRÉ GIRARDON

 personnalité individuelle, qu'il avait organisé tous ses cours
 d'adultes ; c'est même dans ces idées qu'il enseignait aux
élèves plus jeunes de l'École Centrale. Et en vérité, on peut
bien appeler cette' méthode l'enseignement professionnel
par excellence. Car le premier outil, c'est encore la volonté,
 et le meilleur, c'est la volonté éclairée et moralisée.
    Faire d'un ouvrier un contremaître, ou d'un ignorant un
homme instruit, c'est peu, si en même temps on ne fait pas
d'un homme un brave homme.
    Et c'est là ce qui explique sa popularité et son influence.
Les élèves sentaient que leur liberté personnelle était hors
 de question, et que leur responsabilité était en jeu ; ils
 sentaient aussi qu'en leur maître ils avaient un ami, et,
fiers de lui inspirer confiance, ils s'efforçaient de la mériter.
    Cet échange de sympathie doublait sans doute les forces
du professeur, mais en même temps doublait sa tâche.
Et s'il est vrai qu'il travaillât dans la joie, convaincu de la
fécondité de son œuvre, il faut dire aussi que son œuvre
envahissait et absorbait sa vie. Il appartenait à ses élèves :
il ne connaissait contre eux ni défense ni refuge. La leçon
finie, il eût été capable de la recommencer au profit d'un
seul. Il était tout à eux, toujours prêt à tous les suppléments
d'explications, gardant toujours bon accueil à qui sonnait à
sa porte. Combien en a-t-il reçu, combien en a-t-il emmené
le dimanche dans sa petite maison de campagne des Char-
pennes, pour leur consacrer toute son après-midi. C'est là,
dans cette familiarité passagère, que se donnaient les meil-
leurs leçons, celles qui ne s'adressent pas seulement à
l'intelligence, mais qui vont jusqu'au cœur et qui remuent
un homme tout entier. Quand un pauvre diable de char-
pentier, tourmenté par la construction d'un escalier difficile,
venait un matin de vacance demander un renseignement,