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    64         J . - J . ROUSSEAU ET MADEMOISELLE SERRE

    si cher que je jurerais bien que vous n'avez eu d'autres vues
    que de me tourmenter. »
       Et comme Suzanne avait manifesté l'intention de se faire
    religieuse, parce que son union avec Victor rencontrait sans
    doute des difficultés provenant de l'inégalité des conditions
    de fortune, Rousseau ajoute : « Non, votre cœur n'est pas
    moins fait pour l'amour que votre visage. Mon désespoir
    est que ce n'est pas moi qui devais le toucher. Je sais de
    science certaine que vous avez eu des liaisons, je sais même
    le nom de cet aimable mortel qui trouva l'art de se faire
    écouter... »
       Puis il termine par une insinuation blessante, à laquelle
    la jeune fille ne semble avoir répondu que par le silence :
    « Donnez-moi une adresse et permettez que je vous en
    donne une pour les lettres que j'aurai l'honneur de vous
    écrire et pour les réponses que vous voudrez bien me
-   faire... Je suis logé chez la veuve Petit, rue Gentil, à
    l'Epée royale. »
       Le mariage de Suzanne avec Victor Genève n'eut lieu
    que quatre années plus tard, et encore après un de ces
    événements majeurs qui étaient regardés par nos pères
    comme engageant l'honneur d'un homme, tandis que nos
    contemporains y voient trop souvent un prétexte à éloi-
    gnement et à rupture. Le mariage avait été, en effet,
    précédé de la naissance d'un enfant, fait que Rousseau
    semble avoir ignoré et qui ressort du double acte ci-après :

       Sieur Jean-Victor Genève, négociant de cette ville, fils de défunt
    François Genève, aussi négociant de cette ville, et de dame Victoire
    Ferlay, âgé de trente ans, époux d'une part, et demoiselle Susanne
    Deserre, fille du sieur Michel Deserre, bourgeois de cette ville, et de
    dame Susanne Armand, tous deux cy présents et consentants, âgée
    d'environ vingt-cinq ans, épouse d'autre part ; tous deux de cette