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334              ROUMANILLE ET LE FELIBRIGE

éléments confus d'une grammaire compliquée, peu étudiée
ou pas étudiée du tout; de travailler à donner au style
l'harmonie de la prose ou du rythme, d'octroyer enfin tout
l'éclat de la forme pure à cette langue renaissante ainsi
qu'aux temps lointains des troubadours, Bertrand de
Born ou Raimbaud de Vacqueiras. Roumanille ne s'en
tint pas là, cependant. Il sut viser plus haut; il comprit que
quelque merveilleux que fût l'outil restauré, il serait de
peu d'utilité s'il ne devait servira exprimer des idées hautes,
nobles et qui, selon la belle expression du Père Xavier de
Fourvières, « émeuvent le cœur de l'homme et lui font
porter la tête haute ( i ) . » Et c'est pourquoi la plume de
Roumanille ne signera jamais d'Å“uvre immorale. Ainsi
donc, cette langue provençale trouvée dans les étables,
couverte d'un mauvais haillon, comme l'a dit Mistral, chan-
geait sa grossière parure contre une parure de grande
dame.
   Je n'insisterai pas davantage, et je rappellerai seulement
qu'avec six vaillants ouvriers intellectuels : MISTRAL,
AUBANEL, A. MATHIEU, BRUNET, GIERA et T A VAN, Rouma-
nille fonda le Félibrige pour sauver la très belle langue
« qui s'appliquait merveilleusement à ce pays particulier
dont la nature et l'esprit ont une originalité que le langage
français ne traduit et n'exprime pas toujours avec assen de
force (2). »
   Ceci eut lieu à Fontségugne, le 21 mai 1854. Aujourd'hui
le Félibrige, association de lettrés provençaux, compte plu-
sieurs milliers de membres.



  (1) Oraison funèbre de J. Roumanille.
  (2) Cf. Écho de Paris, 28 mai 1891.