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332   .         RÔUtoANILLli ET LE FELIBRIÛE
jardinier. Son enfance modeste se passa au milieu des
fleurs qui versèrent dans son âme leurs frais parfums.
C'est aussi parmi les fleurs, dans son cher village, qu'il dort
son dernier sommeil, et l'on pourrait graver sur la tombe
du poète, qui chanta et aima si grandement son pays de
Provence, ce distique d'un inconnu :

          Omnia tempus edax corrodit prœter araorem ;
          Tempus amore périt; tempore crescit amor.

   Amour des siens, amour de la patrie, amour du bien.
   Le petit Joseph grandissait auprès de ses parents, Jean-
Denis et Pierrette, s'enivrant d'air pur, croissant en liberté
sous les grands arbres du mas des Pommiers. Malgré leur
modeste aisance, ces braves gens, voulant faire donner à
leur enfant une solide instruction, n'hésitèrent pas à le
mettre au collège de Tarascon. Ce fut là que les langues
harmonieuses de Virgile, d'Homère et de Sophocle le for-
mèrent à la poésie, remuèrent en lui les cordes sonores qui,
au dire d'un auteur allemand, sont tendues au fond de
notre âme, prêtes à vibrer quand souffle le « daïmon », le
génie inspirateur.
   Chose étrange pourtant, la langue maternelle, celle du
terroir, ne l'attira point tout d'abord. Il ne s'essaya pas à
rimer dans son dialecte sonore et mélodieux. Roumanille,
en premier lieu, composa des vers français, et comme un
jour il en lisait quelques fragments à sa mère, la brave
Pierrette, celle-ci n'en comprit pas le sens : « Eh bien, dit-
il, les vers que je composerai dorénavant, vous les com-
prendrez, ma mère. » Depuis lors, il écrivit toujours en
 provençal, et il s'aperçut tout de suite que ses compositions
dans l'idiome natal étaient bien supérieures à ses essais
 dans le parler des villes.