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I96                     EN OIS AN S

 sur la moraine. Quelle joie de quitter la corde que nous
avons gardée dix-huit heures! nous gambadons ainsi que des
chèvres échappées.
   A huit heures et demie nous entrons au refuge du Châ-
telleret, ravis, enchantés, jetant en arrière des regards
dédaigneux vers la Meije qui se détache obscurément, sur le
noir du ciel où s'allument les étoiles. Elle cherche à se
cacher dans l'ombre, honteuse de s'être laissée vaincre
encore une fois.
   Nous sommes en bon état et sans aucune fatigue. Mon
frère s'est très bien comporté pour sa deuxième ascension, et
Gaspard est content de nous.
   Nous repartons de suite pour la Bérarde, où nous atten-
 dent un bon dîner et de bons lits. Aussi nous courons,
nous volons plutôt sur les pierres de l'affreux vallon, et, en
une heure dix minutes, nous arrivons au Chalet-Hôtel, dont
l'accueil nous semble meilleur que jamais. L'excursion
a duré 22 heures en tout.
   Ce ne fut pas un des pires moments de cette,journée du
16 juillet, que celui où nous nous assîmes à la table bien
servie, à laquelle nous fîmes honneur je vous assure.
   « — Eh! on prétend qu'on ne peut pas manger, au
retour des grandes ascensions, me dit mon frère en mon-
tant nous coucher, juge un peu si la Meije était moins
haute... »

  Peu après, je souffle la bougie et m'endors d'un sommeil
que je crois idéal. [Hélas je ne suis pas au bout de mes
peines, et je fais un rêve horrible :
  Nous sommes en plein vingtième siècle : on a construit
un funiculaire sur les flancs de notre Grande Meije. A la
gare de la Bérarde, un break à deux chevaux emmène les