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490           UN MARIAGE SOUS LES TROPIQUES.

   — Mais son père, dont elle est si bien le portrait, doit
la traiter autrement?
   — Son père n'est pas plus tendre, reprit Rodolphe
enhardi par les questions de Wilhelmine. Depuis qu'elle
est au monde il ne lui a pas adressé dix fois la parole. Ici
vous le voyez gai, causeur, intarissable dans ses histoires,
paraissant avoir quitté d'hier la civilisation européenne.
Chez lui c'est un maître taciturne, échangeant à peine les
phrasés nécessaires pour le service, ne restant dans la
maison que le temps indispensable pour ses achats de fer-
railles et quittant la ville au plus vite pour retourner à
ses haciendas. Dona Herminia en a grand peur et n'en a
jamais reçu une caresse.
    — Et c' est Dona Herminia qui t'a conté ses tribulations ?
    — Sans doute,et si vous voyiez comme son œil s'exalta
quand elle se rappelle tous ses chagrins ! oh ! elle serait
bien heureuse de trouver un peu d'affection !
    — Rodolphe, mon bien-aimé, fit la comtesse en atti-
rant son fils sur son sein, veille sur toi, car je te vois sur
une pente qui m'effraie. Cette jeune fille semble exercer
une fascination qui pourrait t'être fatale. Vois-tu méfie-toi
 du cœur d'une fille qui ne conserve pas pour son père et
sa mère le respect qui leur est dû. L'enfant qui ne craint
pas d'étaler devant un étranger des douleurs dont le
 blâme est rejeté sur ses parents, l'enfant qui reste ingrat
 aux soins de sa mère pour ses premiers ans, à la protec-
 tion du père, dont l'âme ne s'ouvre point à cette ten-
 dresse ineffable qui relie comme d'un courant magnéti-
 que les organisations les plus vulgaires, cet enfant a pour
 moi le front marqué du sceau de l'égoïsme. La jeune fille
 qui n'épargne pas sa mère ne sera jamais une épouse
 respectueuse; souviens-toi de cela, mon pauvre Rodolphe !
    Le jeune homme gagna sa couche en silence. Les con-