page suivante »
422 POESIE. LA MÈRE DU FRANC-TIREUR. I. Le ciel est d'un aspect bien rigoureux, ce soir, Un vent éehevelé bat la triste demeure ; Près du pâle foyer, une femme à l'œil noir, Aux cheveux grisonnants, tricotte un bas, et pleure. C'est une pauvre veuve ayant dans les combats Un fils, le seul soutien de sa rude existence ; Son fils ! peut-être, hélas ! il ne reviendra pas !.... Son âme éprouve alors une douleur immense. —O mon Dieu ! quel temps froid ! combien il doit souffrir ! Si je pouvais au moins sauver sa jeune vie !... Ah ! sur le sol glacé, lui faudra-t-il mourir?... Moi, je suis vieille... Eh bien! la mort me fait envie! Prenez-moi, car je m'offre à vous de si grand cœur! Epargnez mon enfant ! qu'il résiste à la guerre, Que bientôt, grâce à vous, il revienne vainqueur ! Je veux qu'il soit Français ! la patrie est sa mère !.... Mais s'il devait périr !... mais s'il faut le pleurer, S'il faut apprendre un jour... ô Dieu! quelle souffrance!.. Pour la France et pour lui je voudrais expirer! Laissez-moi les sauver, divhie Providence ! II. Mon gars est courageux ; sans avoir ses vingt ans, Il s'est fait franc-tireur comme allant à la noce. — Mère, ne pleurez pas, disait-il, c'est le temps De m'éveiller en homme ! — Et cet enfant précoce, Tout en fixant sur moi son regard tendre et vif, Tressaillait en parlant de sa noble patrie ! Je surprenais parfois un mouvement furtif De pitié pour sa mère, et j'étais attendrie ; Je l'embrassais longtemps, je l'embrassais encor, Sur ses beaux cheveux noirs, sur son front si limpide J'eusse voulu toujours conserver mon trésor,