Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                     CHRONIQUE LOCALE

   To be or not to be, disait Hamlet ; être ou ne pas être, telle est la
question aujourd'hui posée pour nous, comme jadh pour le sombre prince
de Danemark.
   Vivre et se relever ou être anéantie, voilà ce que la France attend
frémissante de la miséricorde ou de la justice de Dieu.
   L'ennemi couvre !a moitié de notre patrie, nos villages brûlent, nos
 soldats meurent, et cependant nous n'avons pas perdu l'espoir. Le sort
nous a été souvent plus contraire; les Arabes sont allés jusqu'à Sens,
les Anglais ont pris Orléans, les Cosaques ont bu las eaux effrayées de la
Seine, et cependant .la France s'est toujours retrouvée plus grande et plus
terrible. Nos jeunes moblots s'aguerrissent et nos petits-crevés font crâne-
ment le coup de l'eu ; la lutte nous agrandit et nous purifie. Qui sait si
tombés si bas, nous ne touchons pas à la délivrance et bientôt même à une
ère plus grande, plus noble, plus diane que celle qui vient de se fermer
derrière nous ?
   « Non, LA FRANCË KE aouRRA FAS ! » dit l'éloquent évoque de Sainl-
Brieue, un Lyonnais dont sa patrie est fière. Non, LA FRANCE NE MOURRA
PAS! Qu'une nation de trente-huit millions d'hommes pousse ce cri su-
prême, il montera au ciel et réveillera tous les échos de la terre! ».
   Nous avions besoin d'une leçon, elle est sévère ; nous dormions, nous
avons été rudement réveillés. Les turpitudes du Bas Empire livrèrent les
Grecs au joug des Turcs ; plus heureux, nous ne serons jamais Prussiens,
mais il faut apprendre à être hommes et citoyens.
   Si la littérature et Ses arts peignent une nation, nous ne pouvions guère
nous avilir davantage. Du liai s'amuse, nous étions tombés à la Belle Hélène
et de la Belle Hélène aux Clodoehes ; il y avait nr.ême des gens comme il faut
qui s'y plaisaient.
   En journalisme, nous avons l'Excommunié, le Gnafron, {'Antéchrist,
   En peinture, 1830 nous avait donné Grandville, Gavarnie, Daumier.
Leurs caricatures étaient spirituelles et mordantes ; ils demolisssient sans
pitié, mais avec esprit ; 1848 nous inonda de portraits du roi bourgeois et
de son ministre Guizot, charges ignobles qui ne révélaient qu'une basse
fureur. Aujourd'hui, Lyon ne voit aux vitrines des libraires, aux devan-
tures des kioskes et à terre ie long dos trottoirs, que des lithographies
immondes où ne se peignent ni colère ni animosilé, triste excuse, mais
qui dénotent dans les artistes qui s'y emploient une grande dégradation
de l'intelligence, un grand avilissement moral et une profonde ignorance
des règles les plus élémentaires de l'art, tl semble que de pareils dessins
doivent pulluler sur les murs des bagnes ; nous ne pensons pas que chez
des citoyens libres ils trouvent acheteurs.
   Ce n'est cependant pas l'esprit public qui a compris de lui-même à
Lyon, que pendant, le deuil et les douleurs de la France, pendant que le
sang coule , que le désespoir brise tant de coaurs , les bals publics
étaient une insulte et une honte ; il a fallu que la municipalité les fît
fermer. Son arrêté prouve qu'il existe dans notre civilisation dos gens qui
danseraient sur la tombe d'une mère.
   Plus tiers et plus dignes sont les Suisses du canton de Fribourg. Ils ont