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LE BODQUET FATAL, 171 face livide et le poing en avant, il apparaissait à ces échappés de l'orgie nocturne comme le spectre fu châtiment et du défi. Les deux couples, à cette vue, ne purent réprimer un frisson d'effroi. Le pressentiment de Rémy ne l'avait pas trompé. Avec son cœur plus encore qu'avec ses yeux il reconnut les roses que sa main pieuse avait vouées à la chaste Solange, et que d'autres mains moites d'ivresse venaient de profaner par un rapt in- fâme. 11 toisa pendant quelques secondes celle des deux filles à qui e bouquet était échu, puis reportant ses regards sur les deux jeunes gens, il s'écria d'une voix rauque, sourde et impétueuse : — Quel est celui de vous deux qui répond de cette créature? De son poing fermé, il désignait Lacette. Le rouge empour- pra le visage des deux cavaliers. Le plus jeune, Florimond de Larnac, riposta à cette verte nterpellation. — Impudent faquin : C'est moi qui réponds de Madame et de votre insolence ! — Je viens vous demander compte du sacrilège que vous avez commis en violant une tombe. — De quel droit osez-vous me demander des comptes ? — Du droit qu'a tout honnête homme de punir les profana- teurs. 11 est lâche, il est honteux de dépouiller les morts,qui ne peuvent se défendre ! — Billevesée que tout cela! Allez faire la leçon à d'autres, Caton le censeur ! Et sur ces mots il ébaucha une volte-face. Mais Remy lui avait déjà saisi le bras, et l'étreignant dans sa main comme dans un étau, cloua le freluquet sur place. — Et du droit aussi, reprit-il, qu'a le volé de reprendre son bien où il le trouve. Ce bouquet, c'est moi qui l'ai déposé où vous l'avez pris, écumeurs de tombes ! — Trêve aux esclandres, grand poseur, s'exclama Lucette. On va vous le rendre, votre bouquet. 11 n'est pas tant beau. — Maintenant que vous l'avez souillé, riposta Remy.