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                       LE BOUQUET FATAL.                       iGï

    A travers cette cruelle déchirure apparut toute l'horreur d'un
 avenir rembruni. Elles se turent comme foudroyées par l'évi-
 dence de cette solution à laquelle aucune ne songeait.
    11 se fit un silence pénible. Une stupeur douloureuse étei-
 gnait Mme de Vallouise et sa fille.
   — Hélas ! je n'ai plus rien à faire ici, reprit Remy. Paris est
une scène trop vaste pour moi. Un temps, j'eusse lutté pour m'y
faire une place, mais le ressort qui me lançait alors en avant
est anéanti. Un autre aujourd'hui préside à ma destinée. Celui-
là, je dois le briser moi-même, en honnête homme.
   Et ce disant, il dirigeait ua regard expressif sur la belle So-
lange dont le trouble allait croissant.
    Il poursuivit. — Je n'ai qu'un chemin à suivre, le chemin de
mon père, et qu'un parti à prendre, celui de vivre utile et
obscur comme lui.
   A ces mots un soupir profond s'échappa de sa poitrine et sa
voix fut étranglée par l'émotion.
   Les deux femmes restèrent muettes. Que répondre à cette lo-
gique brutale du destin ?
   — Mais, continua-t-il d'une voix faible et tremblante : en
quittant Paris, j'y laisse la meilleure moitié de mon cœur. Vous
savez à qui. Toutes deux vous m'avez fait comprendre le bon-
heur ; c'est beaucoup dans une vie comme la mienne. Je n'ou-
blierai jamais ce bienfait.
   A ce mot, Madame de Vallouise se redressa vivement. Son re-
gard brillait, ses lèvres tremblaient.
   — 11 n'y a ici qu'un bienfaiteur, dit-elle ; c'est vous.
   Et Solange de s'écrier avec un irrésistible élan :
   — Oui, vous m'avez sauvée.
  Et toutes deux par un même mouvement de brûlante sym-
pathie lui tendirent la main.
      Remy, hors de lui, se mit à serrer convulsivement ces deux
mains loyales et fidèles toutes moites des effluves venus du
cœur.
   Il faisait nuit, une fauvette chantait près d'eux et l'étoile du
berger brillait aux cieux.