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 388            LAURENT MEILLET DE MONTESSUY

 les faisions travailler, abusent de leur art et de notre
 patience : car leur malice est si extrême et infinie qu'entre
 autres mauvaises et pernicieuses qualités qu'ils ont, ils ne
 labourent que par forme d'acquit, disant que le fond n'est
 pas à eux et que nous sommes contraints de leur prester
 pour vivre, eux et une caravanne d'enfans, à condition de
 n'estre jamais payés de notre prest : d'où s'ensuit, qu'une
 grande partie de la province de Bresse est en pure hermi-
ture quoi que plus de deux mille Gapansois (35) ayent
travaillé aux défrichements plusieurs années. Et quant aux
terres de rapport, qui sont en culture, elles ne peuvent être
grandement fructueuses, n'estans pas cultivées bien et
deùement en leurs saisons ; ainsi elles rendent peu de bled
sur lequel ayant levé la dixiesme gerbe pour les moisson-
niers, puis le diesme pour l'Eglise, plus le dixiesme boisseau
de tout le grain pour les batteurs ou escoussoriers (36) et
la moitié de tout le reste pour un faitnéant de cultivateur,
le maître et propriétaire du fond serre le surplus sur lequel
il paye les cens et servis aux seigneurs directs desquels les
fonds sont mouvans : puis les tailles et impositions Royales.
Et davantage il faut qu'il en entretienne les bastiments et
le bestail de son grangeage et qu'il en vive luy et sa famille
s'il y a de quoy : mais le pis que j'y scache et duquel nostre
postérité souffrira, l'effect c'est que ces canailles se sont
auctorisés sous la faveur du temps qui les a rendus néces-
saires. En suite de quoy ils sont montés à la présomption

  (35) Les émigrations périodiques des habitants des Hautes-Alpes se
sont continuées jusqu'au commencement du xixe siècle. (Voy. Histoire,
topographie, antiquités, usages, dialectes des Hautes-Alpes, par Ladoucette.
Paris, 1834, pag. 435 et suivantes.
   (36) Escoussorier, traduction populaire de batteur de blé. (Voy. Dic-
tionnaire du patois Lyonnais.)