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286 LE GRAND CARTULAIRE était gouverné par un abbé, ami zélé des arts, que son mérite appela au siège archiépiscopal de Lyon. Le prélat conserva un vif intérêt envers son abbaye, et il obtint du pape Pascal II, alors de passage à Lyon, qu'il voulût bien dédier de ses mains la nouvelle église qui venait d'être achevée (1107). Les moines, heureux de cette faveur singulière, recon- naissants des services que leur avaient rendus leur ancien abbé, conser- vèrent la mémoire de cette dédicace par une inscription aujourd'hui disparue, et le souvenir des bienfaits du prélat par une mosaïque qui le représente offrant l'église dont il avait été, pour ainsi dire, le créateur. Cette image existe encore, dernier et imparfait, mais aussi très curieux spécimen d'un art qui, jadis, avait brillé à Lyon d'un si grand éclat. La nouvelle église ne suffit pas encore aux besoins croissants du culte et trente-quatre ans plus tard, il fallut construire la chapelle Saint- Pierre, démolie en 1860, et cinquante ans après, la chapelle abbatiale, érigée vers 1190 et dont il reste d'intéressants débris. Ces trois édifices, bâtis successivement au xn= siècle, attestent les progrès incessants de l'abbaye, les bulles pontificales, qui commencent la série des chartes, publiées par M. le comte de Charpin et M. M.-C. Guigue, le prouvent encore mieux. C'est, en effet, précisément à cette période prospère que correspond le Grand Cartulaire, édité par M. le comte de Charpin ; il s'ouvre dès les premières pages sur l'énumération des riches domaines de l'abbaye, dont les possessions s'étendaient sur plus de 160 paroisses, dans 14 diocèses de France, de Suisse et même d'Italie. Cette brillante communauté n'était pas seulement illustre par le nombre d'églises placées sous son patronage, riche par l'étendue de ses propriétés, elle était, en outre, puissante par les seigneuries qu'elle possédait; à l'autorité religieuse, à l'opulence mondaine, elle joignait l'éclat de la noblesse et la force du pouvoir politique. L'abbaye avait de nombreux vassaux, et de fiers chevaliers venaient humblement lui rendre l'hommage féodal. Cette situation n'avait rien qui choquât les idées du temps. Elle eut d'ailleurs une action bienfaisante en assouplis- sant la rudesse militaire des gentilshommes et en opposant un frein puis- sant à leur turbulence. Mais, à certains points de vue, la supériorité du clergé sur la noblesse produisit des effets désavantageux. Les hommes de guerre ne subissaient pas sans mécontentement cette sujétion anor- male, non pas tant parce qu'ils se trouvaient soumis à des clercs, qu'à cause de l'inaction qui leur était imposée. Dans le Lyonnais, où toute