Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
112               ESSAI SUR LA CARICATURE

   Hoffmann enfin, l'humouristique écrivain, n'a pastrouvé
de meilleur titre à ses contes fantastiques qu'en les appelant :
Fantaisies à la manière de Callot.
   Franchissons à regret deux siècles jusqu'à l'invention de
la lithographie, évolution féconde dans les procédés du
dessin. Un grand artiste, parmi tant d'autres s'y-révèle.
Dans une œuvre restée unique, Raffet, tout jeune, débutait
par cette planche célèbre la Revue nocturne, qu'éveille
un tambour fantôme coiffé du vieux schako au panache
déplumé des vélites de la Garde.
   Cette revue macabre, autrement grandiose que celle
d'Holbein, fait défiler, dans la pénombre du rêve, la grande
armée des morts ou plutôt les morts de la Grande Armée.
Ces crânes vides, ces vieux uniformes dépenaillés revivent
avec l'acharnement de la bataille, et dans ce tourbillon
furieux, impassible comme un revenant, le tambour balance
son éternel plumet, battant toujours la charge à cette cohue
de fantômes.
   Caricature sublime que Raffet n'a plus refaite ! Il a pré-
féré ramener à la vie réelle ses vieux troupiers et nous
amuser de leurs jurons et de leurs histoires de caserne,
suivant en cela la trace et l'exemple de son maître Charlet,
l'auteur de cette admirable et sinistre Retraite de Russie que
notre musée est fier de posséder.
   Aussi puissant, aussi divers, mais autre que Callot,
Gavarni, pendant près d'un demi-siècle, a été l'étonnement
et la joie de ses contemporains. Philosophe à la façon de
Socrate, pour les erreurs et les mœurs de son temps, pica-
resque et imprévu dans ses folies de bal masqué, Labruyère
et La Rochefoucauld dans ses légendes, nul comme lui, n'a
peint la femme, VEve éternelle avec ses séductions ses